La carrosserie « Tank » rappelle la version de 1937 mais pour Le Mans 1939, elle est entièrement en aluminium et ne pèse que 60 kg. Le moteur, le huit cylindres 3257cm3 de la T57G gavé par un compresseur délivre plus de 200cv à 5.000tr/min et avec des freins hydrauliques, la nouvelle T57C devrait jouer la victoire mais la concurrence est particulièrement relevée.
Retour sur les 24 heures du Mans 1938
Deux Bugatti sont inscrites aux 24 heures du Mans 1938.
Le pilote anglais Taso Mathieson a engagé une Bugatti privée mais la voiture n’est pas prête. Le concurrent britannique s’est toutefois rendu au Mans avec l’espoir de trouver une Delahaye sur place. Il prendra finalement le départ sur une Talbot aux côtés de Chinetti.
Le deuxième engagement Bugatti vient de l’usine. A la dernière minute (12 juin 1938?), la firme de Molsheim fait savoir qu’elle n’alignera pas de voiture et que l'entreprise préfère se concentrer sur le Grand Prix de l’ACF.
Samedi 17 juin 1938,
Il n'y a donc pas de Bugatti au départ mais comme le veut la tradition Mancelle, le constructeur ayant gagné l’épreuve l’année précédente ferme le circuit avant le départ.
15h50, Robert Benoist. Ex champion du monde et dernier vainqueur avec Wimille prend place au volant d'une superbe Bugatti 57S et ferme le circuit. Les applaudissements fusent à son adresse mais les spectateurs regrettent que la firme Alsacienne ne soit pas présente au départ. Le trophée reste toutefois en France. Les constructeurs français se montrent intraitables, les Delahaye, Talbot et Peugeot s'octroient les 5 premières places.
3 juillet 1938, Reims Grand Prix de l’ACF
14h30 Les forfaits sont nombreux et seulement 9 voitures s’élancent pour effectuer les 64 boucles, soit environ 500 km. Au premier passage, les 3 Mercedes passent en tête, suivies des 2 Talbot. Plus loin viennent la Sebac et enfin Wimille. La Bugatti Type 59/50 B roule à petite allure et s'arrête à son stand, le moteur fume exagérément. C'est l’abandon. La voiture n'avait pas tourné aux essais et ne réalise qu'un tour en course....
Janvier 1939,
L’entreprise Bugatti a de graves difficultés financières et la compétition coute très cher. Ettore n’a pas la volonté de s’engager au Mans tant que son record de 1937 n’est pas battu mais Jean se montre convaincant. L’usine engage une seule et unique voiture. Robert Aumaitre, mécanicien du service course prélève un châssis sur la chaîne de montage.
Juin 1939 XVIème Grand Prix d'endurance des 24 heures du Mans
La Bugatti T57C
Le modèle 57S utilisé comme base pour Le Mans 1937 était à l'époque le châssis le plus sportif mais d'un prix de revient très élevé. A partir de 1938, le modèle 57 est commercialisé uniquement avec un châssis standard de 3m30 d'empattement, disponible avec ou sans compresseur. La base utilisée pour Le Mans 1939 est donc un 57C, plus léger et surtout plus puissant. La carrosserie « Tank » rappelle la version de 1937 mais pour Le Mans 1939, elle est entièrement en aluminium et ne pèse que 60 kg. Le moteur, le huit cylindres 3257cm3 de la T57G gavé par un compresseur délivre plus de 200cv à 5.000tr/min et avec des freins hydrauliques, la nouvelle T57C devrait jouer la victoire mais la concurrence est rude.
Les adversaires
- Six talbot, dont trois 4,5L
- Deux Super Lagonda V12-4,5L avec suspension avant indépendante par barre de torsion
- Huit Delahaye, dont six 135MS
- Deux Delage 3L à boite Cotal.
- Un coupé Alfa Romeo 2500SS piloté par le champion Ardennais Raymond Sommer.
Le pesage
L'inquiétude grimpe car 15 minutes avant la clôture des opérations de pesage, l'Alfa Romeo de Sommer et la Bugatti 57C ne sont toujours pas là. Raymond Sommer parti le lundi de Paris pour prendre livraison de son Alfa Romeo à Milan a roulé sans arrêt. Il arrive en dernière minute aux opérations de contrôle, il précède la Bugatti 57C.
Les essais
Des essais sont menés sur le circuit du Mans afin de comparer les performances de la 57S de 1937 et de la nouvelle 57C.
Jeudi soir en début de la seconde séance d'essais, Jean Pierre Wimille rentre à pied. La voiture est resté à Maison Banche avec un moteur cassé. Pour Jean Bugatti, c'est terminé. Il n'y a pas de miracle en mécanique et l'écurie reviendra l'année prochaine. Robert Aumaitre va chercher la voiture et constate que trois pistons montés trop juste sont grippés. Robert Aumaitre a découvert la mécanique automobile dans un garage de Levallois ou il y fait la connaissance de Pierre Veyron. L'amitié entre les deux hommes est forte et Veyron a imposé l'engagement de son ami en incorporant l'usine Bugatti en 1932. Forte personnalité au sens propre et au sens figuré, 'Le Grand Robert' est un des hommes de confiance de Monsieur Jean.
Jean Bugatti est à deux doigts de renoncer à l'épreuve. L'équipe de mécanos, Robert Aumaitre en tête, arrive à persuader Monsieur Jean de refaire le moteur avant le départ. Le temps est plus que compté. A Molsheim, il y a un jeu de huit pistons poinçonnés et après un coup de téléphone à Pierre Marco, on décide dans l'urgence de les faire venir d'Alsace. Deux mécaniciens de l'usine prennent immédiatement l'auto-rail à Strasbourg en direction de Paris. A leur arrivée à la gare de l'est, Robert Benoist au volant d'une 57 récupère les nouvelles pièces pour les amener au Mans. Avec l'aide d'un rectificateur situé près de la gare du Mans, le démontage, le réalésage et le remontage sont reffectués dans un temps record. Samedi matin, la 57C est prête et Pierre Veyron file rôder le huit cylindres sur la route de Tours. Le travail réalisé est phénoménal et à midi, la voiture est sur le circuit.
Samedi 17 juin 1939
16h00 Le temps est couvert et plutôt lourd. 44 voitures ont satisfait les opérations de pesage mais une Adler, ainsi que la Riley n°33 victime de son vilebrequin, sont contraintes de déclarer forfait. Durant la diffusion des hymnes nationaux, l'allemand est copieusement sifflé. Monsieur Anatole de Monzie, Ministre des Travaux Publics ainsi que Monsieur Joseph Caillaux, Sénateur de la Sarthe et ancien Ministre des Finances prennent place pour le départ.
Charles Faroux abaisse le drapeau tricolore. Sur les 42 voitures garées en épis, seule la Delahaye n°11 ne parvient pas à démarrer. La Lagonda n°5 de Domson part en tête suivie par la Talbot n°2 de Chinetti et la Bugatti n°1. Chinetti s'empare de la tête de la course dans les Hunaudières.
A la fin du 1er tour, Chinetti devance la Lagonda n°5, la Delahaye n°15, la Bugatti n°1, la Talbot n°9 et la Delage n°21 pendant que la Delahaye n°11 s'élance enfin.
Dans sa robe framboise, l'Alfa Romeo n° 25 de Sommer suscite l'ovation.
Dans le troisième tour, la Bugatti pilotée par Jean Pierre Wimille se hisse en deuxième position derrière la Delage n°21 de Gérard.
7ème tour, la Delage possède 22 secondes d'avance sur la Bugatti pendant que Chinetti perd du terrain
La Bugatti se fait dépasser successivement par la Delahaye n°15 de Mazaud et la Delahaye n°16 de J.Paul. Jean Pierre Wimille grippé n'est pas au meilleur de sa forme.
A la fin de la 1ere heure de course, c'est Gérard sur la Delage n°21 qui empoche la nouvelle prime de 1.000 francs.
17h15 |
Voitures |
N° |
Pilotes |
Ecarts |
1 |
Delage |
21 |
Gérard |
|
2 |
Delahaye |
15 |
Mazaud |
50 secondes |
3 |
Delahaye |
16 |
J.Paul |
53 secondes |
4 |
Bugatti |
1 |
Wimille |
1min 10'' |
5 |
Talbot |
4 |
Heldé |
|
18h30 L'Alfa Romeo de Sommer-Prince Bira s'arrête au stand pour un changement de bougies puis pour un remplacement du joint de culasse.
19h00-3ème heure |
Voitures |
N° |
Pilotes |
1 |
Delage |
21 |
Gérard-Monneret |
2 |
Delahaye |
15 |
Mazaud-Mougin |
3 |
Talbot |
7 |
Morel-Bradley |
4 |
Talbot |
2 |
Chinetti-Mathieson |
5 |
Talbot |
9 |
Lebegue-Levegh |
6 |
Delahaye |
18 |
Contet-Brunet |
7 |
Bugatti |
1 |
Wimille-Veyron |
19h30 Le Prince Bira sur l'Alfa Romeo reprend enfin la piste, mais les chances de victoire d'une voiture italienne se sont envolées. Mazaud attaque Gérard et prend la tête.
Joseph Paul réalise le meilleur tour à plus de 152 km/h de moyenne.
20h00 Mazaud a couvert 593,648 km/h en 4h2m23s soit 148km/h. Gérard sur la Delage le suit de près, Chinetti est 3ème,Le Bègue 4ème, Contet 5ème, Wimille 6ème,Morel 7ème, Paul 8ème. Tous ont couvert 44 tours.
21h30, les phares s'allument. Mazaud, Monneret et Chinetti mènent le train.
La Talbot de Tremoulet perd énormément d'huile. La fuite cause deux abandons sur sorties de piste chez Simca.(<-à vérifier)
21h35 La Delahaye n°11 de Belle-Croix-Serraud se retourne au poste 25
22h00 |
Voitures |
N° |
Pilotes |
Ecarts |
1 |
Talbot |
2 |
Chinetti |
65t-5h59'27'' |
2 |
Delahaye |
15 |
Mazaud |
21 secondes |
3 |
Delage |
21 |
Gérard |
24 secondes |
4 |
Bugatti |
1 |
Wimille |
1 tour |
5 |
Talbot |
4 |
Hug |
2 tours |
Hécatombe pour Delahaye et Talbot
23h19 La Talbot n°10 de Trémoulet-Forestier victime d'une fuite au réservoir abandonne (<- à vérifier)
0h45 Fin de course pour la Delahaye n° 16 de Paul-Trévoux sur ennuis mécaniques
1h18 panne mécanique pour la Talbot n°8 de Massa-Mahé
Le moteur de la Bugatti chauffe et on enlève le carénage inférieur pour mieux refroidir la mécanique.
1h22 Talbot n°4 de Heldé-Nîme abandonne pour trop grand retard
1h50 Bris de ressort de soupape sur la Delahaye n°19 de Chaboud-Giraud Cabantous
2h00 On note 16 abandons
2h40 Le record du tour appartient à Mazaud sur la Delahaye n°15 avec un chrono de 5'12'10 (155,677 km/h). En abordant la ligne droite des tribunes, la Delahaye n°15 de Mazaud-Mongin prend feu. Le pilote tente de regagner son stand mais il est contraint de s'arrêter définitivement face au stand MG.
3h40 Panne mécanique pour la Talbot n° 7 de Shrubsall-Morel
4h00 La Bugatti est en 3ème position.
4h40 bougies défectueuses pour la Talbot n° 9 de Lebègue et Levegh
6h15 La Talbot n° 3 pilotée par Mathieson sort de la piste suite à l'éclatement d'un pneu.
6h25 L'axe de pivot de roue avant cause l'abandon de la Delage n°22
8h30 Wimille s'arrête dans les Hunaudières après une crevaison. Il repart et rejoint les stands avec une roue cassée et un amortisseur endommagé. La Bugatti perd 3 tours et se retrouve 2ème à 5 tours de la Delage.
9h00-17ème heure |
Voitures |
N° |
Pilotes |
Ecarts |
1 |
Delage |
21 |
Gérard-Monneret |
182 tours |
2 |
Bugatti |
1 |
Wimille-Veyron |
5 tours |
3 |
Lagonda |
5 |
Dobson-Brackenbury |
11 tours |
4 |
Lagonda |
6 |
Selsdon-Waleran |
14 tours |
5 |
BMW |
26 |
Schaumburg Lippe-Wencher |
16 tours |
6 |
Delahaye |
12 |
Villeneuve-Biolay |
18 tours |
7 |
BMW |
27 |
Roese-Heinemann |
19 tours |
11h00 Très attardée, l'Alfa Roméo du Prince Bira et de Raymond Sommer abandonne sur soucis de moteur.
La Delage n°21 de tête engrange les primes. Sa moyenne horaire est de 142 km/h mais la Bugatti lui reprend maintenant environ 3 secondes à chaque tour.
12h00 La Delage n°21 en tête depuis la quasi totalité de l'épreuve s'arrête à plusieurs reprises. On change tout d'abord les bougies, mais le problème n'est pas résolu.
La Delage émet un son bizarre. Un ressort de soupape est cassé et l'échappement déssoudé. L'aide extérieure est interdite et le ressort de soupape de rechange dissimulé dans un sandwich n'arrivera pas jusqu'au pilote. Après 42 minutes d'arrêt la Lagonda reprend la piste mais la course a basculé.
La Bugatti n°1 de Wimille et Veyron en a profité pour prendre la tête de l'épreuve. C'est l'effervescence dans le public et le passage de la Bugatti déclenche un tonnerre d'applaudissements .
13h00 Il reste 20 voitures en course. La Bugatti mène avec 2 tours d'avance sur la Delage n°21.
13h00-21ème heure |
Voitures |
N° |
Pilotes |
Ecarts |
1 |
Bugatti |
1 |
Wimille-Veyron |
219 tours |
2 |
Delage |
21 |
Gérard-Monneret |
2 tours |
3 |
Lagonda |
5 |
Dobson-Brackenbury |
11 tours |
4 |
Lagonda |
6 |
Selsdon-Waleran |
11 tours |
5 |
BMW |
26 |
Schaumburg Lippe-Wencher |
13 tours |
6 |
Delahaye |
20 |
Walker-Connel |
|
7 |
BMW |
28 |
Brien-Scholz |
|
14h00 Wimille et Veyron possèdent maintenant 3 tours d'avance sur la Delage.
14h00-22ème heure |
Voitures |
N° |
Pilotes |
Ecarts |
1 |
Bugatti |
1 |
Wimille-Veyron |
229 tours |
2 |
Delage |
21 |
Gérard-Monneret |
3 tours |
3 |
Lagonda |
5 |
Dobson-Brackenbury |
11 tours |
4 |
Lagonda |
6 |
Selsdon-Waleran |
11 tours |
5 |
BMW |
26 |
Schaumburg Lippe-Wencher |
13 tours |
6 |
Delahaye |
20 |
Walker-Connel |
14 tours |
7 |
BMW |
28 |
Brien-Scholz |
18 tours |
15h00 La Bugatti a couvert 3,238 kilomètres. Dans 50 km Wimille et Veyron dépasseront l'ancien record. Les conditions de courses sont idéales
15h35 Le record de la distance est battu au moment ou le Ministre des Travaux Publics, M. Anatole de Monzie arrive dans les tribunes.
16h00 la Simca-Huit N° 38 est la première a passer sous le drapeau à damiers. L'équipage Jean Pierre Wimille – Pierre Veyron sur la Bugatti T57C remporte les 24 heures du Mans 1939.
Arrivée |
Voitures |
N° |
Pilotes |
Km |
Moyenne km/h |
1 |
Bugatti |
1 |
Wimille-Veyron |
3.354,760 |
139,781 |
2 |
Delage |
21 |
Gérard-Monneret |
3.312,222 |
138,009 |
3 |
Lagonda |
5 |
Dobson-Brackenbury |
3.229,451 |
134,560 |
4 |
Lagonda |
6 |
Selsdon-Waleran |
3.219,481 |
134,145 |
5 |
BMW |
26 |
Schaumburg Lippe-Wencher |
3.188,450 |
132,852 |
6 |
Delahaye |
12 |
Villeneuve-Biolay |
3.180,287 |
132,511 |
7 |
BMW |
27 |
Roese-Heineman |
3.106,969 |
129,457 |
Les voitures se garent une à une face aux tribunes et attendent que les chronométreurs valident les derniers calculs.
La Bugatti a fait une course sage et en dehors du soucis de roue, elle a fonctionné comme une horloge. Le cumul de ses temps d'arrêt au stand est de 27 minutes.
Le Ministre des Travaux Publics vient féliciter les vainqueurs et la Marseillaise vient saluer la double victoire française.
- La Bugatti T57C n° 1 à la distance, nouveau record 66,822 km de mieux qu'en 1937.
- La Simca-Huit n° 39 à l'indice de performance
Le lendemain de la victoire, la voiture des vainqueurs doit être exposée au public mais en reculant du garage, la boite de vitesses casse net. Une dent brisée durant la course s'est glissée entre deux pignons et en désespoir de cause, le tank 57 victorieux en 37 est exposé. Le public non averti n'a rien vu.
5 Aout 1939, la SNCF annule sa commande pour l'autorail à vapeur, les jours de l'entreprise sont comptés.
Vendredi 11 aout 1939, vendredi noir pour les bleus
Jean Bugatti a 30 ans et dirige l’usine depuis plusieurs années. C’est un fanatique de vitesse mais en dehors de la course de côte de Shelsley Walsh sur un Type 53 4WD en 1932 qui s’est hélas terminée prématurément par une sortie de route, on ne lui connaît pas d’engagement en course. Le Patron a vite apposé son véto aux envies de compétition de son fils.
Monsieur Jean teste régulièrement les voitures pour en parfaire la mise au point et aux dires des pilotes de l’usine, c’est un pilote hors pair. Pour les différents tests, il utilise la route vers Strasbourg. Du carrefour de la Colonne de Dorlisheim, jusqu’à Entzheim, c’est une longue ligne droite bordée d’arbres. Cette portion qui avait été utilisé lors du Grand Prix de Strasbourg de 1922 passe successivement en bordure des villages d’Altorf, Duttlenheim et Duppigheim.
La T57C victorieuse aux 24 heures du Mans est engagée au Grand Prix de la Baule. Robert Aumaitre vient de revoir le tarage des suspensions et a fait deux essais dans le courant de l’après midi. Jean Bugatti aimerait à son tour tester le comportement de la voiture avant que les mécanos ne profitent des 15 jours de congés payés. L'usine ferme durant les 15 prochains jours, toutefois, Monsieur Jean demande aux mécaniciens du service course de se tenir prêts pour 21h00.
21h00, Robert Aumaitre chauffe la 57C et rejoint Duttlenheim. A cette heure, la circulation est faible et il suffit de bloquer les voitures à chaque extrémité du parcours et aux débouchés des villages pour transformer la route en piste d’essai Bugatti.
En cette fin de soirée estivale, Jean quitte la table familiale. Au volant de sa T57 Ventoux, il dépose successivement son jeune frère Roland à Duttlenheim, le garçon d’écurie au carrefour de Duppigheim et enfin Lucien Wurmser à la station Esso Joos d’Entzheim.
Jean Bugatti et «Le Grand Robert » effectuent des allers-retours. Ce dernier accroupi à la place du passager illumine avec sa cigarette le compte tours dont le branchement électrique n'est pas terminé. Vu la corpulence de son mécano dans cet habitacle exigu, la position de conduite n'est pas idéale et sur le point de rentrer à l’usine, Monsieur Jean décide de réaliser un dernier passage seul à bord.
Jean Bugatti demande à Robert Aumaitre de contrôler extérieurement le comportement de la 57C au passage du dos d’âne. Jean Bugatti repart seul vers Duttlenheim avant de revenir à grande vitesse. La voiture repasse à près de 200km/h devant son mécanicien.
Jean-Jacques Metz a 19 ans. Il est originaire de Mulhouse-Dornach dans le Haut-Rhin et effectue un stage comme télégraphiste au champ d’aviation d’Entzheim.
22h00, il prend son vélo et regagne Duppigheim ou il loge. Sur la route, il croise Jean Bugatti. Arrivé près d'Entzheim la Bugatti fait demi-tour et revient en direction de Duppigheim. Jean Bugatti double le cycliste, puis décide de refaire demi-tour en direction d'Entzheim pour un ultime passage.
Il est 22h30 quand Jean-Jacques Metz sur son vélo aborde une légère montée. Dans le sens opposé, Jean Bugatti sur la T57 fonce à 200km/h. Concentré sur son pilotage, il aborde le dos d'ane. Le choc entre la Bugatti et le vélo est terrible. Le jeune Metz est projeté. Le bolide bleu continue sa folle embardée mais les roues gauches de la Bugatti mordent l'herbe et la voiture se déporte encore plus à gauche. 70 mètres plus loin, la roue arrière gauche touche un arbre. Sous l'influence de ce choc, la voiture est déportée sur la droite et va s'écraser contre un arbre 200 mètres plus loin. La voiture est totalement disloquée et son pilote est éjecté à une quinzaine de mètres.
Alerté par le bruit, M. Joos et Robert Aumaitre sont les premiers sur les lieux. Jean Bugatti ne donne plus que de faibles signes de vie. Il semble souffrir de nombreuses fractures et de multiples blessures internes. Le bas de sa joue gauche présente une affreuse blessure. Acheminé vers l'Hopital de Strasbourg, Jean Bugatti succombe avant même son arrivée. Le cycliste gît sur le côté gauche de la route, il a les poignés brisés et une artère ouverte, son vélo est pulvérisé. Il survivra a ses blessures physiques mais sa main gauche restera gravement touchée. Traumatisme, maux de tête, méningite, hospitalisation, Jean-Jacques Metz ne se remettra jamais de ses blessures. Il mettra fin à ses jours le 9 septembre 1945.
En dehors du cycliste, il n'y a pas eu de témoins directs de l'accident.
Ettore Bugatti au Château de Laeken en Belgique chez son ami le roi Leopold III prend immédiatement la route de Strasbourg.
Financièrement à l'agonie, le 11 aout 1939 sera le coup de grâce pour les purs sang de Molsheim.
Le 3 septembre 1939, la France entre en guerre et le Grand Prix de la Baule 1939 pour lequel Jean Bugatti préparait la 57C est annulé.
Bibliographie
Le Petit Courier
Mécanicien de Grand Prix - Lucien Wurmser
Les 24 heures du Mans 1994- Teissedre - Moity
Histoire d'une grande bataille pacifique et sportive - Roger Labric
Les Bugatti - Splendeur et passion d'une dynastie - Philippe Aubert
Dernières Nouvelles de Strasbourg
Les Archives du départements du Bas-Rhin et de la ville de Strasbourg
et une multitude de documents de la presse locale
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