Samedi en fin de journée, la Lotus XI Climax de Masson tombe en panne sèche à la fin des Hunaudières. Masson réalise l’impensable en poussant sa voiture sur 7 kms. Claude Storez(Porsche) et Michel Nicol (Stanguellini) auront à l’imiter quelques heures plus tard.
Claude Storez a débuté au Mans en 1954 sur une DB de l’écurie Jeudy-Bonnet. (Jeudy est un fabriquant de soupapes installé à Schirmeck dans la Haute Vallée de la Bruche en Alsace).
Il dispute les 24h du Mans pour la quatrième fois. C’est le plus dynamique pilote de la jeune génération. Il participe indifféremment aux épreuves de sport sur une Porsche Spyder 1500 et aux épreuves de Grand Tourisme au volant d’une Carrera. En 1956, il a succéder à Paul Guiraud au palmarès du Championnat de France Grand Tourisme.
Le Mans 1957. Storez sur la Porsche n°34 vient de conquérir la cinquième place du classement général. Il est également troisième à l’indice derrière les deux Lotus et il semble en mesure de faire mieux que la 1.100 cm3 de Chamberlin, seconde à ce moment précis de la compétition.
Dimanche, 14h45 La Porsche de Storez est annoncée à l’arrêt au virage de Mulsanne, elle est en panne d’essence. Il fait chaud et lourd. L’orage que l’on craint se contente de menacer.
Claude Storez se lance dans une épreuve de fond, un 5.000m d’un genre très spécial, car courir, il n’en est pas question, Il faut pousser les 582 kilos de sa Porsche jusqu’à son stand. En dehors de l’effort physique, l’exercice est extrêmement dangereux avec des voitures déboulant à 250 km/h dans son dos.
Le pilote n’a d’autre but que de ramener la voiture jusqu’à son stand avant l’arrivée à 16 heures.
Un article du règlement stipule que le dernier tour doit être effectué en moins de 30 minutes. Il faut donc rejoindre les stands, ajouter quelques gouttes du précieux carburant dans le réservoir et repartir pour un dernier tour avant de passer le drapeau à damiers.
Claude Storez n’y parviendra malheureusement pas, il est contraint d’abandonner sa Porsche à 500 mètres de la ligne d’arrivée.
L’équipage de la Stanguellini n°58 composé de Jean-François Sigrand et de Michel Nicol va lui aussi devoir se soumettre à l’épreuve de la course à pied.
Jean François Sigrand va vivre une situation cocasse puisqu’il perd son casque dans la ligne droite des Hunaudières. Le port de cet équipement de sécurité est obligatoire sous peine de disqualification. Le pilote immobilise sa voiture, en descend, et rebrousse chemin à pied à la recherche de son précieux couvre-chef. Un petit kilomètre de course à pied plus tard, Sigrand et son casque reprennent la course.
Son coéquipier, le Lyonnais Michel Nicol, dispute l’épreuve pour la première fois. Il va apprendre à ses dépens un point du règlement.
Dimanche à 14h30, il ravitaille, remet le contact, et enclenche la première. La voiture quitte le stand mais ne roule que 4 mètres avant de s’immobiliser. Un problème lié à la boîte de vitesse ôte tout espoir de pouvoir repartir seul. Le stand avec l’équipe de mécaniciens est à portée de main mais le règlement est formel : Quand on a quitté son stand, il est interdit d’y revenir en marche arrière, il faut obligatoirement faire le tour du circuit, c’est-à-dire 13km461.
Nicol, comme Storez et comme Masson, va pousser sa voiture mais il doit affronter un obstacle supplémentaire : la seule côte du circuit se trouve à la sortie des stands. C’est le début de son chemin de croix. Nicol commence à pousser la Stanguellini sous une chaleur pesante. Epuisé après 300m d’effort dans la pente, il marque une pause dans une zone ombragée salvatrice. Il commence alors une partie de mécanique et parvient à enclencher la première.
Le bolide quitte la zone d’ombre, passe lentement le sommet avant de mettre à profit la descente pour repartir. Il ne reste qu’une seule vitesse, Nicol va s’en servir sagement et terminé l’épreuve très applaudi.