Eric Broadley est, en 1957, un jeune ingénieur lorsqu’il conçoit une « Broadley Spéciale » équipée d’un moteur Ford Ten . L’auto est destinée à participer à la série « Ford Ten Special », et il la partage en course avec son cousin Graham, avec succès. Très vite il conçoit une évolution, sur base Climax, appelée Mk1. De son propre aveu, l’auto est trop rapide pour lui il ne peut en tirer le maximum. Exit Broadley le pilote et bienvenue chez Lola Cars Limited.
Nous voici donc en 1958. Broadley utilise les 2000 livres sterlings de ses économies pour fonder Lola à Bromley, au sud de Londres. Le premier modèle, Lola Mk1, est conçu dès l’origine, pour supporter n’importe quel élément mécanique, au choix du client : moteur, boîte, roues, pneus, adaptés au budget de chacun. L’auto a un châssis multitubulaire, le plus souvent équipé d’un Coventry 1098 cc.
Le succès est immédiat, notamment grâce à Peter Ashdown, qui vole de victoire en victoire, surclassant les Lotus et Elva jusque là intouchables. Succès commercial également, 35 châssis trouvent preneur. Mk1 est la première auto à descendre sous la minute à Brands Hatch, toutes catégories confondues.
1960. Lola sort sa 1ère monoplace (moteur avant) pour la formule Junior (future F3). Les Cooper et Lotus sont au dessus du lot, mais les résultats sont encourageants et le jeune constructeur engage immédiatement le chantier Mk3, moteur central, toujours pour la formule Junior. La Lotus Mk XX et la Cooper T56 sont encore devant, et pourtant …
1962. Roy Salvadori, pour le compte du financier Bowmaker, commandite une F1 pour lui et John Surtees. Mk4 aura à son actif : pôle position à Zandvoort (GP de Hollande), victoire à Mallory Park (Hors Championnat), seconde en Angleterre et en Allemagne. Surtees est 4ème du championnat avec 19 points.
1963. En Junior, Lola finit par trouver le filon avec Mk5, puis Mk5a. Richard Attwood remporte LA course à ne pas rater, le Grand Prix de Monaco. Nous sommes en mai, et depuis quelques temps déjà, une auto révolutionnaire a fait parler d’elle au Salon de la Voiture de Course, à Londres : Mk6 GT.
Henry Ford II : Quand Goliath sauve David.
1957. Le Mans 1955 est encore « frais » dans toutes les mémoires et, outre atlantique, les « 3 grands », GM, Ford et Chrysler, signent un pacte secret de « non-agression », autrement dit, de « non-course » automobile. Seule la NASCAR bénéficie d’un soutien plus ou moins discret, mais globalement, nos trois dinosaures de l’industrie US se passent bien de la course, la production se vendant comme des petits pains en ces années dorées.
1961. Ford, éternel numéro 2 US (et mondial !) décide de redorer son image vieillissante et franchit le Rubicon : le pacte de non-agression est secrètement anéanti en décembre par Henry Ford II.
Premier bénéficiaire, Carroll Shelby, qui vient de se lancer en 1962 dans un programme compétition avec ses Cobra. Les victoires des roadsters seront reprises par la pub Ford.
Deuxième bénéficiaire, Colin Chapman, dont les Lotus seront équipées en 1963 du 4.2 litres à Indianapolis. Clark frôlera la victoire.
Printemps 1963. Henry Ford II approche secrètement Enzo Ferrari, dans le but de lui racheter son usine. Le refus du Commendatore gicle comme une claque à la figure du Boss qui n’aura, dès lors, pour seule obsession que de battre le vieil italien sur son terrain de prédilection : Le Mans. Le budget alloué est illimité, mais très vite les travaux sont arrêtés en interne : l’américain a eu vent d’une auto qui a titillé les voitures rouges dans la Sarthe. Henry Ford II contacte Eric Broadley, en difficulté…
Mk6 GT : A qui perd … gagne !
1963 est une année clé en endurance. Ferrari a dévoilé sa 250 P, premier proto italien à moteur central. L’endurance est la dernière formule à « basculer derrière le pilote », pour des raisons liées à la taille du moteur, cette disposition favorisant plutôt les petits blocs. La nouvelle règle de la CSI sur les Grand Tourisme prévoit une sous-catégorie Expérimentale depuis 1962. Cette catégorie autorise un proto à courir en GT, à condition d’être équipé d’éléments de série, comme la roue de secours : c’est dans cette brèche-là que va s’engouffrer Lola.
Inspiré de la Lotus XXV de formule 1, Mk6 GT a un châssis monocoque, plus un pseudo châssis multitubulaire à l’avant, supportant le radiateur et les suspensions. Le couple moteur-boîte est boulonné sur la monocoque, les suspensions arrières étant liées à la boîte Colotti. Le premier exemplaire est une monocoque en acier, les 2 suivants, en aluminium. La suspension est à deux triangles superposés. Malgré le gros V8 « Indy », la voiture ne fait que 3.91 m de long : c’est plus court qu’une Mk5 de formule Junior !
La carrosserie, en fibre de verre, est l’œuvre de John Frayling. Elle épouse parfaitement les formes du châssis, et réduit les porte-à-faux au strict minimum. De plus, les portes échancrent le toit, ce qui assure un net avantage dans les courses d’endurance, où les changements pilotes doivent se faire très vite. La future GT40 reprendra cette astuce. Autre astuce, le moteur est alimenté en air par une prise d’air centrale taillée dans le toit, juste derrière le pilote. Enfin, l’arrière est tronqué net et accueille deux feux-stop de … Ford Cortina !
Du Racing Car Show aux Hunaudières.
La voiture fait sensation au Racing Car Show en mars (monocoque acier), et ses débuts en compétition (aluminium)sont encourageants : 9ème au Daily Express, formule Sport, à Silverstone au mois de mai. Au Nürburg, la nouveauté est éliminée pour un problème de fusées, après avoir tourné en 10 minutes sur la boucle nord.
Pendant ce temps à l’usine, on monte le deuxième châssis alu pour Le Mans. Broadley conduit lui-même l’auto de la nouvelle usine de Slough jusqu’au pesage. Mais les Lola sont en retard … Les commissaires accepteront tout de même de jeter un œil aux deux anglo-américaines.
Premier problème, la prise d’air central est illégale : elle bouche la vision du pilote vers l’arrière : l’équipe ne se démonte pas et en un temps record, la prise d’air incriminée est remplacée par deux prises latérales. Les commissaires sont impressionnés et malgré le hors-délai, laissent passer, mais …
Deuxième problème, les réservoirs font 153 litres et non 140 ! Qu’à cela ne tienne, on remplit 13 bouteilles d’eau de un litre, qu’on scelle et qu’on glisse dans le réservoir. Le tour est joué mais …
Troisième problème : avec tout ça, les autos ont très peu tourné. Rectification : l’auto a très peu tourné car LGT2, flanquée du N°5 restera sur le carreau. LGT1, numéro de course 6, est équipée de mauvais rapport de boîte et talonne à 250 Km/h en ligne droite, alors qu’elle en vaut 300 !
Malgré cela, l’auto se qualifie en 22ème position, temps : 4’13’’1, soit 191 km/h de moyenne … Chez Ferrari, on regarde bizarrement la petite auto !
En course, l’auto ira même chercher un temps sous les quatre minutes, naviguant souvent vers la 8èmeplace, culminant même à la 5ème place.
Mais la boîte Colotti n’est pas que mal étagée, elle présente également des défauts de sélection qui vont considérablement retarder l’auto, jusqu’à ce que finalement, au petit matin, David Hobbs loupe un rapport et sort au Tertre Rouge (1) après 151 tours parcourus.
Broadley avait tout misé sur le projet Mk6 GT, financièrement parlant, même si le bloc moteur était issu d’un « partenariat » avec la FoMoCo … On peut aisément comprendre qu’à ce moment précis, il n’en mène pas large, et pourtant !
Le jour même, de son bureau de Dearborn, Michigan, Henry Ford II a vu triompher (une fois de plus !) ces satanées petites autos rouges. Il a également remarqué la prestation de la petite Lola, qu’il va s’empresser de racheter, intégrant pour un temps TOUTE la structure Lola, dans le cadre d’un projet pharaonique ou la FoMoCo vomira des millions de dollars : GT40.
D’abord, impliqué, Eric Broadley récupérera vite ses billes sur un désaccord lié à l’exploitation routière de la GT40 qui ne peut à ses yeux, qu’amener un échec en course. LGT1 restera à Dearborn comme labo roulant le temps que GT40 soit au point. La suite appartient à la Légende…
Technique et faits de course
20 |
DNF |
6 |
Lola Cars Ltd, GB |
Richard Attwood, GB |
4727 |
V8 |
P |
151 |
Accident |
24 Heures du Mans 1963 - Circuit de 13.461 km
Lola Mk6 GT |
Engagée par Lola Cars, Ltd. |
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Catégorie : P Moteur : V8 Ford 4727 cm3 Qualifiée du 22ème temps, en 4’13’’1 , 191.464 km/h Abandon à la 15ème heure de course, sur sortie de route après 151 tours couverts.
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Pilotée par David Hobbs et Richard Attwood (GB/GB) |
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Moteur |
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Configuration |
Ford 90º V 8 |
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Emplacement |
Central, longitudinal |
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Construction |
Bloc et culasse en fonte |
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Capacité |
4.727 litres / 288.5 cu in |
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Alésage / Course |
101.8 mm (4 in) / 72.9 mm (2.9 in) |
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Compression |
12.0:1 |
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Soupapes |
2/cyl. |
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Alimentation |
4 carbus Weber |
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Mode |
atmosphérique |
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Chassis |
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Chassis |
Carrosserie en fibre de verre sur semi-monocoque |
Suspension (av/ar) |
Triangles superposés barre anti-roulis |
Direction |
Crémaillère et pignons |
freins |
Disques pleins |
boite |
4 rapports, Colotti, manuelle |
Motricité |
Roues arrière |
Dimensions |
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Poids |
950 kilo / 2094.4 lbs |
Longueur / Larg./ Hauteur |
3912 mm (154 in) / N/A / N/A |
Empattem. / Trains (av/ar) |
2356 mm (92.8 in) / 1308 mm (51.5 in) / 1308 mm (51.5 in) |
Performances |
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Puissance |
400 CH / 298 KW |
Couple |
462 Nm / 341 ft lbs |
Puiss Spécif. |
85 CH / liter |
Rapp. Ch/ Kg |
0.42 CH / kg |
Vitesse Maxi |
290 km/h / 180 mph |
Remerciements à Lola Cars International pour la mise à disposition des photos
Document rédigé par Bernard, grand Fan de Jacky Ickx
(1) La légende de la photo est erronée, la mention Aston Martin n'a pas lieu d'être