LeMans 1963 56 CD ManzelAudi Automobilwerke GmbH  est fondée en 1909 par August Horch. Auto Union est né en 1932 de la fusion des sociétés Audi, D.K.W., Horch et Wanderer-Werke, les 4 marques représentées symboliquement par les 4 cercles entrelacés. Le 15 juin 1963, une CD à moteur DKW s'élance pour 24 heures. 

 

Vous connaissez tous l’ancienne petite marque sportive CD, initiales de son fondateur Charles Deutsch, qui se distingua entre autres dans les années 60 par ses petites bombes à mécanique Panhard. Après avoir emporté les 24 Heures du Mans en 1962 à l’indice de performance elle empocha la même année le titre de championne de France dans la catégorie des moins de 750cm3. Très liée avec Panhard, CD se trouva bien embarrassée quand la firme de la Porte d’Ivry annonça qu’elle renonçait à fournir ses moteurs pour la saison 1963, désireuse, disait-elle, de mieux préparer la saison suivante.   

 

Mais pour CD il n’était pas question d’une année sabbatique, d’autant plus que l’ancien associé de Charles Deutsch, René Bonnet (vous vous rappelez des « DB ») venait de fonder sa propre affaire et avait noué d’étroites relations avec Renault pour la motorisation de ses voitures. Donc pas question pour CD de se tourner vers Billancourt, il fallait chercher une motorisation en dehors de l’hexagone. Panhard ne fit aucune objection quant au recours provisoire à une motorisation étrangère, se réservant de réapprovisionner éventuellement CD en moteurs pour la saison 1964.   CD se devait donc de trouver une mécanique de faible cylindrée et de grande série et présentant une aptitude à être préparé pour la compétition. On acceptait le fait que la nouvelle motorisation prévue pour 1963 conduise à modifier profondément la voiture ayant triomphé en 1963, à savoir châssis, direction et freins. André Guilhaudin, pilote de rallye, avait eu l’occasion de prendre le volant d’une DKW « Junior » et avait été assez impressionné par les possibilités du petit « 2 temps ». Et c’est précisément en 1963 que la nouvelle DKW « F 12 » fit ses débuts au Salon de Bruxelles, modèle amélioré par rapport aux « Junior » puisque maintenant doté de freins à disques à l’avant. André Guilhaudin ne fut pas long à convaincre CD que l’option DKW était tout indiquée pour courir la saison 1963. C'est en rallye que Guilhaudin avait pu apprécier les qualités des petites mécaniques d'Ingolstadt.
 
Rapidement une petite délégation de chez CD se rendit à Ingolstadt afin de mieux faire connaissance avec cette fameuse « F 12 » et surtout pour demander à Auto Union si elle était intéressée à tenter l’aventure des prochaines 24 Heures du Mans. La résonance fut positive du côté allemand et les dirigeants d’Ingolstadt se dirent prêts à fournir non seulement un ensemble châssis-moteur mais également de participer aux frais de développement de la partie carrosserie.  

Il restait maintenant à CD à mettre au point le cahier des charges. L’ingénieur Bertin, responsable de la partie technique et Romani en charge du développement se mirent à plancher immédiatement. La conception générale de l’auto devant dorénavant recevoir une motorisation DKW fut supervisée comme d’habitude par Charles Deutsch en personne. CD disposait de toute l’expérience nécessaire en compétition ainsi que d’un personnel motivé. Mais ce qui manquait le plus c’était les disponibilités financières, bien qu’Auto Union s’était déclarée prête à mettre la main à la poche. André Guilhaudin étant à l’époque concessionnaire Mercedes à Chambéry, il avait d’étroites relations avec l’importateur officiel Delacroix à Paris. Cette société distribuait alors en France Jaguar, Lotus, Mercedes et… Auto Union. Une aide financière de ce côté était donc toute acquise. En effet Delacroix s’engagea à cofinancer le projet de CD et d’autres sponsors s’y joignirent comme Cibié, BP, Michelin et même la société spécialisée en métaux légers L’Aluminium Français. Tout se présentait donc pour le mieux pour CD. Auto Union fournirait le châssis, le moteur, les freins, les trains avant et arrière, CD développerait la carrosserie qui sera construite chez le carrossier Chalmette de Grenoble. Le châssis d'origine sera modifié, allégé et surtout considérablement renforcé.

Fin 1963 eut lieu une réunion importante chez CD. En dehors de Charles Deutsch et ses collaborateurs Romani et Choulet on y comptait le responsable de la division compétition d’Auto Union Trüsbach, et le « sorcier » Mantzel spécialiste du « gonflage » des 3 cylindres DKW. Peu de temps après, ce fut au tour des gens de CD de se rendre à Ingolstadt afin de prendre connaissance des modification du châssis « F 12 » qu’ils avaient jugées nécessaires d’effectuer. A leur grande surprise l’ingénieur Schmelz leur présenta un châssis déjà modifié et allégé mais il fut convenu que d’autres modifications seraient apportées en France chez CD. Toutefois le temps pressait, l'échéance était proche...

Entre temps on avait beaucoup travaillé sur la carrosserie. Des gabarits et des maquettes avaient déjà été réalisés et les premières tôles en aluminium avaient été formées. Mais tandis que la future CD-DKW était encore sous forme de puzzle et que la boîte de vitesses était encore en cours d’usinage chez ZF en Allemagne, la concurrence commençait à tester ses autos sur le circuit du Mans. Courant Avril on s’acharnait encore sur le proto du côté de Chambéry et de Grenoble. Il fallait encore rapporter et souder les renforts tubulaires du châssis, compléter l’équipement du poste de pilotage et notamment adapter le volant à droite et l’ensemble de la direction livrée par Auto Union. Bien qu’il restât encore beaucoup de travaux à effectuer, qu’on travaillât jour et nuit, le calme et la détermination semblaient régner chez CD.
 

LeMans 1963 56 CD Manzel
 

Tous les secrets de la CD-DKW dévoilés: on distingue bien les 2 radiateurs placés obliquement

 
Mais le résultat était probant. L’auto se présentait basse, racée, aérodynamique, tout comme les précédents modèles à mécanique Panhard. La nouvelle carrosserie avait toutefois reçu des améliorations devant favoriser l’aérodynamique. De la précédente CD-Panhard on avait repris les phares Cibié, le pare-brise, les sièges baquets et le volant. Mais tout le reste était inédit, à commencer par le moteur. Mantzel avait fait du bon travail en tirant près de 80 ch du moteur d’origine « Junior », le précédent Panhard de 700 cm3 se contentant de 70.      

LeMans 1963 56 CD Manzel

Le "sorcier" Mantzel avait bien oeuvré sur la mécanique

 
Le capot plat et plongeant avait obligé les techniciens à adapter 2 radiateurs latéraux de chaque côté du moteur, ce qui ne simplifiait pas les problèmes de circulation d’eau et d’écoulement de l’air. La boîte ZF dérivait de celle d’origine mais offrait un 5ème rapport. Le rapport de transmission avait été déterminé par Mantzel en fonction de la courbe de puissance du moteur et du tracé du circuit du Mans. Les trains avant et arrière ainsi que leurs stabilisateurs avaient été étudiés par le département compétition d’Auto Union, le châssis ayant reçu 2 renforts de forme tubulaire, l’un  transversal derrière le siège du pilote, l’autre longitudinal, légèrement décalé vers la droite.

 

 LeMans 1963 56 CD Manzel

Essais de postionnement du volant pour Guilhaudin

 

Auto Union ayant livré à CD 3 moteurs et 2 boîtes de vitesses les essais au Mans purent commencer. Les premiers résultats furent plus qu’encourageants, la vitesse maxi relevée sur la ligne droite des Hunaudières dépassant 230 km/h. La concurrence commença à s’inquiéter.  

 

Juin 1963, les 24 heures du Mans

Et le jour « J » arriva. Pour la première fois au Mans un proto à mécanique DKW était aligné qui semblait redoutable d’efficacité. On vit la CD-DKW poussée sur la ligne de départ. Bien sur les Ferrari, Jaguar et autres gros calibres occupaient les premières places, mais la CD-DKW avait réalisé de loin les meilleurs temps de sa catégorie. Le drapeau à damiers s’abaissa et hommes et machines partirent pour 2 très éprouvants tours d’horloge. André Guilhaudin effectua un départ « canon » et commença à doubler des concurrents dès les premiers hectomètres. Mais l’élan fut de courte durée : une flaque d’huile dans le premier tour envoya l’auto dans un talus sans que Guilhaudin puisse la remettre sur la piste. Heureusement, voiture et pilote s’en tiraient sans mal. L’auto dans laquelle tant d’espoirs avaient été investis se retirait de la compétition sur un stupide incident.  
 

LeMans 1963 56 CD Manzel

 L'auto est poussée sur la ligne de départ. hélas, elle ne fera même pas un tour

 
 

On revit une seconde fois la CD-DKW au départ d’une nouvelle épreuve d’endurance, peu après Le Mans, aux 12 Heures de Reims. Cette fois l’auto était engagée dans la catégorie des moins de 1000cm3 avec un moteur développant 100 chevaux. De nouveau la concurrence n’était pas rassurée, la CD-DKW ayant dépassé les 250 km/h aux essais. Mais la malchance fut encore au rendez-vous, cette fois ci sur casse moteur. Tant dans les épreuves nationales qu’à l’étranger, la CD-DKW n’atteindra jamais la ligne d’arrivée dans la saison 1963. Cette saison aurait pu permettre de préparer la suivante, compte tenu des expériences (malheureuses) accumulées depuis les 24 Heures du Mans. Mais VW ayant repris le contrôle d’Auto Union à Daimler-Benz, le veto de la nouvelle direction interdira toute nouvelle collaboration entre CD et DKW.

 

 
Article rédigé par Michel P. et publié grâce à son aimable autorisation  

 

 

  LeMans 1963 56 CD Manzel

 24 Heures 1963 - Circuit de 13.461 km  

CD Manzel  N°56  Auto Union GmbH

 Technique :

Catégorie : P
Moteur : L3 DKW 2 temps 701 cm3

 

Pilotes :

Alain Bertaut - Andre Guilhaudin  

 

Course :

Abandon 1ère heure sur accident

 

Qualifications : 43ème
Temps : 5'04"2
Moyenne : 159,302 km/h

 

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