Avec le retour officiel de Ferrari qui a décidé d'affronter Porsche dans la catégorie Sport 5 litres, mais aussi une belle bataille en Prototypes opposant Matra, Alfa Romeo et Porsche 908, le Championnat du monde s'est refait une belle santé. Les plateaux sont somptueux, le public est de retour et, comme de coutume pour "les Grandes années", les 24 Heures prennent une dimension toute particulière. Une victoire au Mans vaut bien plus que tous les succès acquis dans les épreuves du printemps et, parfois compte davantage qu'un titre mondial à l'heure des bilans.
Conscient à la fois des enjeux, mais aussi que les temps changent, l'ACO a décidé de produire un effort particulier pour cette édition. Pour une plus grande sécurité, le circuit est désormais pourvu de glissières de sécurité sur toute sa longueur, les S du Tertre Rouge ont été réaménagés et la procédure de départ modifiée. Si les voitures partent toujours en épi devant les stands, elles le font désormais avec le pilote assis et sanglé à bord. Cette procédure qui interdit la pose d'une glissière de sécurité séparant la piste de la zone de ravitaillement, sera abandonnée l'année suivante et 1970 marquera donc la fin d'une époque avec ce dernier départ en épi. Un autre pan du folklore manceau disparaît également avec le traditionnel pesage qui s'effectue désormais à l'intérieur du circuit.
Les forces en présence
C'est en catégorie Sport (5 litres) qu'il faut logiquement chercher les futurs vainqueurs. Porsche, fort de ses succès à Daytona, Monza, Brands Hatch et Spa fait bien sûr figure de favori avec ses 917. La course se résume à une confrontation entre huit Porsche 917 (12 cyl. à plat, 4,5 ou 5 litres) et onze Ferrari 512s (V12; 5 litres, 550 cv à 8500 tr/mn) dont huit "longues queues'
Porsche
Depuis la première apparition au Mans, en 1951 avec deux coupés 356, cent-quatorze Porsche ont été engagées, se plaçant régulièrement parmi les dix premiers.
En 1970, vingt-trois Allemandes sont là, et comme les 908 ont terminé 2ème en 1968-69, on ne doute pas que les sept 917K seront, en l’absence de Ford, les rivales les plus tenaces des onze Ferrari 512.
L'équipe Gulf-Wyer aligne ses deux équipages habituels (Siffert-Redman et Rodriguez-Kinnunen) sur des voitures à carrosseries courtes propulsées par des moteurs 4.9 litres et, en soutien, une troisième à moteur 4.5 litres pour Hobbs-Hailwood.
Porsche Salzburg a choisi de panacher son matériel avec une version longue à moteur 4.9 litres pour son équipage de pointe Elford-Ahrens et une classique "courte" 4.5 litres pour Herrmann-Attwood.
Une autre 917 L (4.5 l) arborant une décoration psychédélique, bien qu'engagée sous la bannière du Martini Racing Team pour Larrousse-Kauhsen bénéficie de toute l'attention de l'usine. Il n'en va pas de même pour la "K" (4,5 l) de Piper-Van Lennep qui est elle une véritable 917 "privée".
Annoncé un temps, l'équipage vedette Jackie Stewart-Steve McQueen sur une 917 brillera par son absence. Les assureurs de l'acteur américain lui ont refusé l'autorisation de courir au Mans...
Ferrari
Face à Porsche, Ferrari possède l'avantage du nombre avec 11 modèle 512 S, tous dotés du V12 5 litres. La Scuderia a fait un gros effort en présentant quatre voitures officielles, toutes dotées d'un capot arrière long pour Ickx-Schetty, Giunti-Vaccarella, Merzario-Regazzoni et Bell-Peterson.
Un effort relayé par les fidèles clients de Maranello, comme la Scuderia Filipinetti qui aligne deux versions longues pour Bonnier-Wisell et Parkes-Müller et une courte pour Moretti-Manfredini, le NART qui engage une "longue" pour Posey-Bucknum et l'Ecurie Francorchamps un modèle semblable pour De Fierlant-Walker.
Ferrari peut aussi compter sur les voitures du Gelo Racing (Loos-Kelleners) et de l'Escuderia Montjuich (Juncadella-Fernandez). Autre engagée en Sport, la Lola T 70 du Team VDS pour Pilette-Gosselin semble bien esseulée pour troubler ce duel au sommet.
Mais aussi Matra, Alfa, Lola, Mazda, Ligier
Belle bataille en prévision également en Prototype avec la présence des équipes Matra et Alfa Romeo au grand complet. Matra présente sa nouvelle 660 pour Beltoise-Pescarolo et deux 650 pour Brabham-Cevert et Jabouille-Depailler animées par le V12 de F1 "dégonflé".
Alfa Romeo aligne de son côté quatre 33 à moteur V8-3 litres et carrosserie longue pour Courage-De Adamich, Stommelen-Nanni Galli, Gregory Hezemans et Facetti-Zeccoli.
Si la présence d'un spider Porsche 908-2 à carrosserie longue du Martini Racing n'est pas à négliger, celle de la 908 américaine confiée à Linge-Jonathan Williams, équipée de caméra pour le tournage du film "Le Mans" de Steve McQueen est plus anecdotique.
Toujours en 3 litres, les ambitions de la seule Ferrari 312 P du NART de Parsons-Adamowicz et de la Healey Repco de Hedges-Enever semblent également nettement plus mesurées.
La catégorie prototype est riche aussi de deux Chevron B16 dont une à moteur rotatif Mazda, de la nouvelle Ligier JS1de son constructeur associé à Andruet, plus proche dans l'esprit d'une GT et d'anciennes Porsche (deux 910 et une 907).
En GT, les deux Corvette auront fort à faire pour contenir la douzaine de Porsche 911 et la nouvelle 914 à moteur 6 cylindres engagée par Sonauto pour Chasseuil-Ballot Léna qui reçoit un soutien discret mais efficace de l'usine.
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Les essais
Lors de la 1ere séance, les Ferrari semblent très affutées et Vaccarella signera un temps canon de 3'20''0. Le lendemain, les Porsche se réveillent, Elford s'empare de la pole position en 3'19''8, soit trois secondes de moins que le meilleur temps réalisé par une 917 en 1969. Derrière, la Ferrari n'est qu'à 0''2. La course s'annonce très serrée.
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Voitures |
Equipages |
Temps |
1 |
Porsche 917L |
Elford-Ahrens |
3'19''8 |
2 |
Ferrari 512S |
Vaccarella-Giunti |
3'20''0 |
3 |
Porsche 917K |
Siffert-Redman |
3'21''1 |
4 |
Ferrari 512S |
Merzario-Regazzoni |
3'21''3 |
5 |
Porche 917K |
Rodriguez-Kinnunen |
3'21''9 |
6 |
Ferrari 512S |
Ickx-Shetty |
3'23''1 |
7 |
Ferrari 512S |
Bell-Peterson |
3'23''4 |
8 |
Ferrari 512S |
Parkes-Muller |
3'25''4 |
9 |
Ferrari 512S |
Bonnier-Wisell |
3'28''7 |
10 |
Porsche 917K |
Hobbs-Hailwood |
3'29''1 |
11 |
Porsche 917K |
Van Lennep-Piper |
3'29''4 |
12 |
Porsche 917L |
Larrousse-Kaushen |
3'30''8 |
13 |
Ferrari 512S |
Posey-Adamovicz |
3'31''2 |
14 |
Porsche 917K |
Herrmann-attwood |
3'31''5 |
15 |
Matra 650 |
Brabham-Cevert |
3'32''2 |
16 |
Ferrari 512S |
Moretti-Manfredini |
3'33''0 |
17 |
Alfa Romeo 33 |
Galli-Stommelen |
3'33''8 |
18 |
Ferrari 512S |
Kellener-Loos |
3'35''6 |
19 |
Alfa Romeo 33 |
De Adamich-Courage |
3'35''7 |
20 |
Matra 650 |
Jabouille-Depailler |
3'36''3 |
21 |
Matra 660 |
Beltoise-Pescarolo |
3'36''6 |
22 |
Porsche 908 |
Lins-Marko |
3'38''9 |
23 |
Alfa Romeo 33 |
Hezemans-Gregory |
3'39''0 |
24 |
Ferrari 512S |
Juncadella-Fernandez |
3'39''9 |
Le départ
Dès le départ, Elford et Siffert s'envolent et distancent les Ferrari, d'autant que Giunti disparaît très vite, moteur cassé. La course tient toutes ses promesses, car à la rivalité Porsche-Ferrari s'ajoute une émulation très vive entre les pilotes de 917. Elford et Siffert bataillent ferme.
A coup de record du tour, ils sont partis sur un rythme de grand prix, lorsqu'une première averse s'abat sur le circuit.
Agitation chez Ferrari, Vaccarella s'arrête à son stand sans pression d'huile. Il n'en repartira pas. Dereck Bell s'arrête également victime d'une crevaison. Depuis le début de la semaine, les Ferrari accumulent les crevaisons.
Classement après 1 heure de course
|
Voitures |
Equipages |
1 |
Porsche 917L |
Elford-Ahrens |
2 |
Porsche 917K |
Siffert-Redman |
3 |
Porche 917K |
Rodriguez-Kinnunen |
4 |
Porsche 917K |
Hobbs-Hailwood |
5 |
Porsche 917K |
Van Lennep-Piper |
6 |
Ferrari 512S |
Ickx-Shetty |
7 |
Porsche 917L |
Larrousse-Kaushen |
8 |
Ferrari 512S |
Merzario-Regazzoni |
9 |
Porsche 917K |
Herrmann-attwood |
10 |
Ferrari 512S |
Bell-Peterson |
11 |
Matra 650 |
Brabham-Cevert |
Ferrari prend l'eau
Rodriguez roule au ralenti, l'arbre de turbine de sa 917 vient de lacher et va le contraindre à abandonner.
En quelques minutes, la course va être bouleverser. Vers 18h30, une cascade d'accidents élimine les trois Ferrari de Wisell, Parkes et Regazzoni. Les chances italiennes semblent bien compromises, puisqu'il ne reste que Ickx pour représenter l'usine Ferrari.
Classement après 3 heures de course
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Voitures |
Equipages |
1 |
Porsche 917L |
Elford-Ahrens |
2 |
Porsche 917K |
Siffert-Redman |
3 |
Porsche 917K |
Hobbs-Hailwood |
4 |
Porsche 917K |
Van Lennep-Piper |
5 |
Ferrari 512S |
Ickx-Shetty |
6 |
Porsche 917K |
Herrmann-attwood |
7 |
Porsche 917L |
Larrousse-Kaushen |
8 |
Alfa Romeo 33 |
Stommelen-Galli |
9 |
Porsche 908 |
Lins-Marko |
10 |
Alfa Romeo 33 |
De Adamich-Courage |
A 19h00, c'est le déluge total. Les sorties de piste se multiplient.
A la tombée de la nuit, la pluie redouble et l'hécatombe se poursuit. Ickx, tel un poisson dans l'eau remonte.
A 23h00 les trois Matra abandonnent quasi-simultanément. Ickx, toujours à l'aise sous la pluie, remonte en 2eme position. La pluie fera une pause à minuit.
Positions à Minuit
|
Voitures |
Equipages |
1 |
Porsche 917K |
Siffert-Redman |
2 |
Ferrari 512S |
Ickx-Shetty |
3 |
Porsche 917K |
Herrmann-attwood |
4 |
Porsche 917L |
Larrousse-Kaushen |
5 |
Porsche 917L |
Elford-Ahrens |
6 |
Porsche 908 |
Lins-Marko |
7 |
Alfa Romeo 33 |
Stommelen-Galli |
8 |
Ferrari 512 S |
Posey-Bucknum |
9 |
Lola T70 |
Pilette-Gosselin |
10 |
Ferrari 512S |
De Fierland-Walker |
A 1h30, suite une défaillance de ses freins, Ickx sort au Virage Ford, provocant le décès d'un commissaire. Il n'y a plus de Ferrari officielles en course et on retrouve 6 Porsche aux 6 premières places.
A 2h00, c'est au tour de Siffert. Il rentre au stand moteur cassé. Après l'abandon de Siffert, les premiers rôles reviennent alors aux 917 de Herrmann - Attwood devant Larrousse-Kauhsen et Elford.
Après une courte accalmie, la pluie redouble d'intensité.
A 8h30, l' Alfa de Galli abandonne et nouveau rebondissement, la Porsche 917 de Elford abandonne aussi.
Positions à 9h00
|
Voitures |
Equipages |
1 |
Porsche 917K |
Herrmann-attwood |
2 |
Porsche 908 |
Lins-Marko |
3 |
Porsche 917L |
Larrousse-Kaushen |
4 |
Ferrari 512 S |
Posey-Bucknum |
5 |
Ferrari 512S |
De Fierland-Walker |
L'Alfa de Galli et Courage abandonne et Larrousse remontera en 2eme position
Cet ordre ne changera plus jusqu'au baissé du drapeau qui ne verra passer que sept voitures classées et neuf concurrents hors-délais.
En GT, la victoire revient à la surprise générale à la 914/6 de Chasseuil-Ballot Léna, qui réalise un véritable exploit en devançant les Porsche 911S, pourtant plus puissantes.
Bilan
Battu dans le dernier tour l'année précédente, Porsche prend une éclatante revanche en 1970.
Cette édition sous le déluge a tourné à l'hécatombe avec 7 voitures seulement à l'arrivée (sur les 51 au départ) dont 5 Porsche. La marque de Stuttgart signe non seulement son premier succès aux 24 Heures, mais remporte toutes les victoires de classes, catégories et d'indices, sans oublier de s'approprier pôle position et record du tour (qui fait un bond de 7 km/h, passant de 234 à 241). Les Ferrari 512 terminent 4eme et 5eme.