Le Mans 9 et 10 Juin 1973
Depuis la limitation à 3L en 1972, Ferrari, Matra, Alfa Romeo, Mirage Gulf et Lola ont équipé leurs prototypes de moteurs directement issus de la formule 1. Les pilotes participant pour la plupart au championnat du monde de F1, l'endurance devient un véritable grand prix. Les 2 meilleures voitures du plateau, Matra et Ferrari se sont pour le moment évitées, le Mans sera donc le lieu de la confrontation entre les 2 ténors.
Ecrasant le Championnat du monde en 1972 et doutant de sa fiabilité sur 24 heures, Ferrari avait décidé de faire l'impasse sur les 24 Heures du Mans 72. Matra qui avait tout investi dans cet unique rendez-vous, avait réussi un doublé historique. Fort de ce succès, la marque française décida d'abandonner la Formule 1 et d'aller chasser sur les terres de Ferrari en 1973.
Débuté à Vallelunga, le duel franco-italien est des plus incertains. Les Ferrari 312 PB ont perdu de leur superbe mais se sont bien reprises triomphant à Monza puis au Nürburgring, alors que Matra parti en trombe s'est essoufflé, victime de bris de moteurs ou de pneus défectueux. Dans ce contexte, les 24 Heures du Mans, avant dernière étape du championnat, se parent d'un enjeu considérable, retrouvant ainsi tout le lustre de la grande époque des duels Ford-Ferrari. Venu très nombreux, le public ne sera pas déçu par cette affiche plus qu'alléchante, qui se complète d'un superbe plateau aussi bien en GTS avec un affrontement entre Ferrari Daytona/ Porsche Carrera qu'en Tourisme avec les équipes "usine" BMW et Ford.
Matra aligne 4 voitures avec au volant 4 équipages 100% français. Cevert Beltoise, Pescarolo Larousse et Jabouille Jaussaud disposent des nouvelles MS670B dotées d'une nouvelle boite de vitesses Porsche et à l'aérodynamique retouchée.
Depailler et Wollek piloteront une MS670 de 1972. Le moteur est d'origine F1 (le MS72, V12 3L 60°) degonflé pour tenir la distance qui délivre environ 450 CV à 10500 tr/min.
Ferrari réplique avec trois 312 PB spécifiquement préparées pour les 24 Heures (capot avant intégrant des projecteurs et carrosserie longue) pour Ickx Redman, Merzario Pace et Schenken Reutemann. Le moteur est un V12 boxer de 180° d'origine F1, dont la puissance est de 450 CV à 10500 tr/min. Ferrari abandonne Firestone et utilise comme Matra des pneus Goodyear.
Toujours en Sport, John Wyer qui présente deux Gulf Mirage à moteur Ford Cosworth pour Bell Ganley et Hailwood Watson Schuppan peut logiquement compter parmi les outsiders.
Lola Cosworth de Lafosse Wisell et l'Alfa Romeo 33T3 privée de la Scuderia Brescia Corse semblent moins véloces. A mi-chemin entre Sport et GT, les deux Porsche Carrera RSR du Martini Racing, rapides et fiables peuvent surprendre sur une course de 24 heures, alors que les Ligier Maserati devront prouver leur endurance. Carton plein également en GTS, où 9 Ferrari Daytona affrontent 9 Porsche Carrera RSR et 3 Chevrolet Corvette ainsi qu'en catégorie Tourisme où 3 Ford Capri sont opposées à 3 BMW 3.0 Csi.
Les essais
Les deux 312PB de Merzario et de Ickx signent les deux meilleures temps devant les 670B de Cevert et Pescarolo. La troisième 312 et les deux autres Matra sont respectivement quatrième, cinquième et sixième.
La course
Partis en pole-position, Merzario-Pace s'élancent en tête, jouent les "lièvres" en imprimant d'emblée un rythme très soutenu. Au commandement pendant les deux premières heures de course, ils sont ralentis par une fuite de carburant et cèdent la première place à la Matra de Beltoise Cevert.
Une série de déchappages vient alors perturber la progression des voitures françaises. Jaussaud est le premier touché, puis Beltoise à deux reprises alors que Larrousse réussira à prévenir le mal. Autant de péripéties qui vont voir se succéder au commandement tous les équipages Matra et Ferrari avant que les choses se stabilisent à la mi-course. Ickx Redman mènent alors devant Pescarolo Larrousse et l'étonnante Alfa Romeo de Zeccoli Pam Facetti. Matra souffre. A mi-course, Matra a perdu deux de ses voitures (Beltoise Cevert et Depailler Wollek) alors que Jaussaud Jabouille très retardés en début de course naviguent remontent en 17e position. Reutemann Schencken abandonne également. L'alfa Romeo longtemps troisième devra s'arrêter deux longues heures à son stand.
Si la Ferrari est solidement installée en tête, la Matra de Pescarolo Larrousse tient le rythme et devient même menaçante en début de matinée. Essoufflée la Ferrari cède le commandement à la 18e heure mais rien n'est joué.
La Matra connaît des problèmes de démarreur et Merzario Pace sont remontés en troisième position. A moins de 2 heures de l'arrivée, la course est totalement ouverte.
La tension est vive mais à 14 h 27 le duel prend fin quand le moteur de la Ferrari de Ickx casse. Solidement installés en tête Pescarolo Larrousse triomphent devant la dernière Ferrari 312PB de Merzario Pace et la Matra de Jabouille Jaussaud revenue des profondeurs du classement après une remontée d'anthologie.
Etonnante de régularité, la Porsche Carrera "prototype" prend une superbe 4e place alors que la victoire en GTS revient la Ferrari Daytona alignée par Charles Pozzi pour Vic Elford et Claude Ballot Léna.
