La Viper de l'équipe de France s'est qualifiée pour la course, avec le 7e temps de sa catégorie. Pour la première fois, une voiture aux couleurs d'une fédération nationale va prendre le départ.
Finie l'époque où les jeunes pilotes français devaient se débrouiller seuls pour courir. Cette année, la Fédération Française de Sport Automobile a décidé de créer une équipe de France circuit comme elle l'a fait l'an passé en rallye.
Le 22 février 2001, la FFSA a lancé son projet pour engager une voiture aux 24 Heures du Mans. Très vite un accord a été trouvé avec l'équipe Oreca pour engager une Viper, identique à celle victorieuse en GT en 2000. Au volant de la voiture tricolore, on retrouve David Terrien, Jean-Philippe Dayrault et Jonathan Cochet. Trois pilotes qui se voient ainsi offrir l'occasion de relancer leur carrière ou d'acquérir de l'expérience dans une discipline inconnue.
Même s'il n'a que 24 ans, David Terrien est le capitaine de l'équipe. « Nous on l'appelle plutôt colonel, raconte Jonathan Cochet, car il nous donne beaucoup d'ordres. Mais son expérience nous est utile ». En effet, Terrien a remporté l'an passé la Coupe du Monde des Voitures de Sport et il a déjà participé à deux reprises aux 24 Heures du Mans. Cette année, il court encore en championnat du monde de GT-FIA. Depuis le début des essais aux Mans, c'est lui qui est chargé de valider les nouveaux réglages, c'est également lui qui prendra le départ samedi à 16 heures.
Jean-Philippe Dayrault a 32 ans. Il n'est donc plus à proprement parler un espoir. Mais il n'a jamais eu la chance de briller dans des épreuves internationales. Champion de Formule France en 1999, 2e du championnat de France de supertourisme et du Trophée Andros en 2000, la FFSA lui propose ainsi de découvrir l'endurance. « Le Mans est une course extraordinaire. J'ai la possibilité d'y faire mes débuts dans une équipe de pointe, sans avoir à se bagarrer pour trouver des budgets. C'est le rêve. C'est bien simple, quand on m'a proposé ce volant, j'ai cru à une blague ! »
Le dernier de la bande est Jonathan Cochet. A 25 ans, l'Alençonnais réussit une belle carrière. Champion de France de F3 en 2000, vainqueur à Pau et Zandvoort, il est cette année le 2e pilote d'essai de l'écurie Prost en F1. Après être longtemps venu au Mans en spectateur, notamment quand il était à la Filière Elf, Cochet découvre l'épreuve en tant que pilote. « Franchement, nous sommes très satisfait par nos essais qualificatifs (35e au général, 7e en GTS), car nous avons surtout travaillé en vue de la course pour réduire l'usure des pneus. Nous avons établi un tableau de marche qui devrait nous permettre d'être dans le coup ».
L'équipe de France affiche en effet des ambitions : « On n'est pas là pour vivre l'aventure Le Mans, mais pour faire un résultat. Un podium en GTS c'est le minimum, mais le véritable but c'est la victoire. La voiture est préparée par Oreca, c'est une référence, la base est saine, l'équipe est rodée, nous sommes donc heureux, mais on le sera encore plus à l'arrivée ».
Les trois pilotes, qui n'avaient jamais roulé avec la Viper, en conviennent, ils manquent encore d'expérience : « On apprend à tous les tours, surtout en fonction de la voiture, car elle évolue tout le temps, certaines pièces s'usent. Le pilote doit s'adapter à tous les tours et ce n'est pas facile, car on a des réglages communs qui ne correspondent pas vraiment au style de chacun ».
Seuls deux éléments semblent perturber les trois Frenchies : « Le 1er, c'est le problème des prototypes. Ils nous doublent très vite en prenant des risques, il faut qu'on les surveille dans les rétros. De nuit, on perd la notion des distances et comme les commissaires utilisent des flashs bleus pour nous prévenir, on ne voit plus grand chose et ça devient très dangereux ».
Ce problème sera sûrement accentué par la pluie, annoncée pour la course : « Nous n'avons jamais roulé sous la pluie avec cette voiture. Et nous n'avons jamais roulé sur ce circuit dans ces conditions. Donc ça ne nous mettra pas en confiance, mais on ne sera pas les seuls dans ce cas-là et on pourrait bien tirer notre épingle du jeu ».
En attendant les résultats sportifs, l'équipe de France FFSA est déjà un beau succès populaire. La voiture tricolore est une des chouchoutes du public.
16h00 La Viper s'élance depuis la 35ème position (7ème chrono du GTS). David Terrien est au volant
16h20 La pluie est arrivée brutalement sur le circuit et a provoqué une série de sorties de piste. Stephan Johansson a ouvert le triste bal en endommageant très sérieusement l'avant de l'Audi n°4. Tout le capot avant de la R8 a été arraché par le choc. C'est ensuite une collision en chaîne qui a affecté la Pilbeam n°56, la Pescarolo n°18, la Porsche Seikel n°82, la Saleen n°61, la Viper n°58 et la Viper n°56 de l'équipe de France. Cette dernière semble d'ailleurs la plus touchée avec des impacts à l'avant et à l'arrière.
Il est 17h50 dans le stand n°57. Les mécanos posent leurs outils. Leurs regards fuyants plongent vers le sol ou prennent de la hauteur en quête d'une éventuelle solution qui ne viendra plus. C'est la fin d'une histoire. Même si l'annonce officielle ne viendra qu'une heure plus tard, toute l'équipe sait qu'il n'y a plus rien à faire.
Certains allument une cigarette, d'autres saisissent leurs portables pour annoncer la triste nouvelle aux proches. Pendant quelques minutes, personne ne souhaite parler aux médias. Les quelques mots échangés vont en direction de David Terrien, au volant de la Viper lors de l'accident.
Quelques instants plus tard, le pilote, effondré, revient sur cette expérience « si courte. Ca fait ch... d'avoir un potentiel comme le nôtre et de se faire piéger comme ça par la pluie. En plus, nous sommes les seuls à rester sur le carreau. »
Et pourtant les membres du team français ont tout mis en oeuvre pour entretenir l'espoir. Jonathan Cochet et Jean-Philippe Dayraut ont piqué un sprint pour rejoindre la Chrysler bloquée dans les graviers à quelques mètres des stands. Pendant plus d'une demi-heure, ils ont conseillé David Terrien pour lui permettre de repartir. Peine perdue. Même si la Viper n°57 a pu rouler sur quelques mètres, tout l'avant est fracassé. Radiateur, châssis et direction ne répondent plus.
« Cette déception, je vais la vivre tout seul ». David Terrien est inconsolable. Ce troisième abandon en trois participations semble trop dur à avaler. Une douche froide pour le co-champion SRWC 2000, mais aussi une grosse déception pour tous les partenaires de l'équipe de France. Espérons tout de même que le ministère de la Jeunesse et des Sports et la Fédération Française de Sport Automobile renouvelleront leur confiance à une équipe 100% tricolore.