Benoit Treluyer après la journée de test des 24 heures du Mans 2012
Retour studieux dans la Sarthe pour le vainqueur de la dernière édition des célèbres 24 Heures du Mans. Benoit Treluyer qui vise une deuxième victoire de rang, sait mieux que personne que le 2e temps absolu signé dimanche lors de la « journée test » n’a qu’une valeur relative même s’il confirme que la jeune technologie hybride est déjà prête à jouer la victoire 2012.
« Nous n’étions pas là pour faire un chrono, mais ça fait tout de même plaisir de finir en haut de la feuille de temps sans avoir vraiment cherché la performance, soulignait le Français au terme de cette journée particulière. L’objectif principal était aujourd’hui de balayer le plus de réglages possibles sur les deux R18 e-tron quattro et sur les deux R18 Ultra afin de trouver des solutions pour régler les petits problèmes que l’on peut éventuellement avoir sur une telle épreuve. Nous avons mis la voiture en piste et avons constaté ce qui allait plus ou moins bien en fonction des choses testées. Ca nous a permis de trouver les directions à prendre si l’on souhaite avoir plus de performance, moins taper dans les pneus, etc. Nous avons passé en revu de nombreux réglages qui nous seront utiles selon les circonstances de course… »
Arrivés avec un plan de travail pré-établi, Benoît et ses équipiers André Lotterer et Marcel Fassler sont allés au bout de leur programme en procédant par ajustements progressifs. Dans la sérénité, l’efficacité et la bonne humeur. Tous les ingrédients qu’il faut pour réussir de grandes 24 Heures…
« Le matin, nous avons pris tous les trois le volant : d’abord Marcel, puis André, puis moi pour deux relais complets, en changeant des choses entre les deux. L’après-midi, André a poursuivi dans la direction sur laquelle j’avais travaillée à l’occasion de deux relais également, puis Marcel a roulé jusqu’à la fin des tests car il y a eu pas mal d’interruptions à cause de drapeaux rouges. Il a tout de même pu balayer d’autres réglages ; ce qui fait que nous avons une gamme complète sur laquelle nous pouvons jouer… »
Et la musique mancelle, Benoît et ses camarades, ils connaissent ! Si leur interprétation est aussi juste et inspirée que l’an passé, tous les espoirs leur sont permis.
« Nous avions déjà un bon moral avant ces préliminaires, et il est encore meilleur ce soir, se réjouissait le natif d’Alençon. Le système hybride fonctionne très bien. La voiture est facile à piloter. Bref, nous sommes bien préparés. Il n’y a pas négatif, juste du positif ! »
S’il veut couper la ligne en vainqueur pour la deuxième année de suite, Benoît Tréluyer sait qu’il devra d’abord vaincre tous les maléfices des 24 Heures. Tous ces petits pièges qui ferment les portes de la félicité et qu’il a appris à déjouer au fil de ses sept participations…
La tentation est vive, parfois, d’aller taquiner le chrono, de montrer sa mauvaise humeur envers un concurrent peu conciliant ou de trop demander à sa machine. Ne pas succomber demande une maîtrise totale de soi et une concentration parfaite. La plus grande course automobile du monde ne se gagne pas sur des coups de tête ou des coups de sang, mais grâce à une approche réfléchie et pragmatique des événements. Il faut être vigilant, à chaque instant, à chaque seconde. Malgré ses sept participations, le vainqueur de la dernière édition en date sait que l’attraction est toujours présente, au détour d’un vibreur qu’il est tentant de chevaucher pour gagner quelques dixièmes ou lors de dépassements précipités de GT plus lentes. Il ne faut pas relâcher son attention. Jamais. Avant de défendre sa victoire 2011, Benoît nous parle de ses petits démons personnels, de ses sept petits péchés nichés dans les détails…
L’orgueil
« Les 24 Heures du Mans ne pardonnent rien, et surtout pas le manque d’humilité. Il ne faut pas arriver en terre Sarthoise avec trop de confiance. Rien n’est jamais gagné, même si tu possèdes la meilleure voiture et que tu es le mieux préparé du monde. »
La cupidité
« Il ne faut pas en vouloir trop ! C’est absolument génial de signer la pole-position comme nous l’avons fait l’an passé, mais il ne faut pas prendre tous les risques pour la réussir. Il ne faut pas prendre le risque de sortir la voiture et compromettre la suite du week-end. Il faut opérer un travail sur soi ! Savoir se retenir. Savoir se dire non ! »
L’envie
« Evidemment, tu as le désir d’être devant tout de suite, mais cela ne sert à rien. C’est au levé du jour que l’on voit si l’on peut jouer la gagne ou pas. L’an passé, je suis parti en tête. Tant que je roulais seul, tout allait bien. Je roulais à mon rythme en toute sécurité, mais quand j’ai commencé à rencontrer du trafic, j’ai failli me faire sortir par une Porsche. Là encore, il faut savoir prendre sur soi, laisser couler. C’est dur de s’y résoudre, mais c’est crucial. Il faut tenir un bon rythme pour rester dans le même tour que le leader du moment, mais à sa main, sans sur-piloter et en économisant la
voiture. »
L’égoïsme
« La cohésion de l’équipage est primordiale. Il faut penser aux autres avant de penser à soi. Ne pas être égoïste, en fait. Il faut dégrader la voiture le moins possible pour la remettre dans le meilleur état possible à ses équipiers, et ne pas donner de surcharge de travail à ses mécanos. Il faut ramener la voiture aux stands comme tu veux la recevoir de tes équipiers. Il est important de ne pas trop prendre les vibreurs, de ne pas taper dans les freins, de préserver la boîte de vitesses, etc… »
La gloutonnerie
« Cela peut paraître une évidence, mais il ne faut pas manger de trucs trop gras. Ce n’est pas toujours facile car, quand tu viens de faire un double ou un triple relais, tu es terriblement affamé. Tu as envie d’un repas bien consistant, mais il ne faut surtout pas. »
L’excès
« Il ne faut pas se laisser distraire. Jamais. Il faut savoir relâcher la pression, mais ne pas se laisser détourner de l’objectif final. Il faut rester dans sa bulle, celle qui s’est construite toute seule au fil des jours avec tes équipiers et ton équipe. Il faut rester concentré tout au long de la semaine, et pas seulement durant la course. Par exemple, je m’interdis d’aller manger chez des amis – et j’en ai pourtant beaucoup dans la région – durant la semaine des 24 Heures. Rien ne doit dévier ton attention. Il faut aussi essayer de dormir le plus possible. Il faut se forcer, là encore, car tu as toujours tendance à vouloir suivre l’évolution de la voiture quand tu n’es pas au volant. Il est important de bien se relaxer pour être en forme au moment d’assumer ton relais. Au petit matin, il faut que les pilotes soient eux aussi dans un bon état de fraîcheur et pas seulement la mécanique. »
La colère
« Il ne faut pas faire de gestes anti-sportifs car ils se retournent toujours contre toi. Serrer une GT car elle ne t’as pas laissé passer, manquer de respect à d’autres voitures et pilotes, sont des actes que tu finis toujours par payer. Certains pilotes de Sport-Prototypes ne se rendent pas compte que rouler dans une GT peut être plus difficile que d’évoluer dans une LMP1. Si tu veux gagner, tu te dois d’être respectueux de tout le monde. »
C’est conscient de tous les sortilèges qui vont de nouveau le guetter sur les 13,629 km maintes fois répétés du circuit du Mans, mais confiant en sa capacité et celle de son Audi R18 e-tron quattro à les déjouer, que le natif d’Alençon prendra le départ de ses huitièmes « 24 Heures » le 16 juin prochain. Un chiffre 8 qu’il espère porte bonheur.
Les 7 participations de Benoît Tréluyer aux 24 Heures du Mans
2002 : Chrysler Viper-GTS-R/Team Oreca, 14e
2004 : Pescarolo C60-Judd/Pescarolo Sport, 4e
2007 : Pescarolo 01-Judd/Pescarolo Sport, 13e
2008 : Pescarolo 01-Judd/Pescarolo Sport, 7e
2009 : Peugeot 908/Pescarolo Sport, ab
2010 : Audi R15 TDI Plus/Audi Sport Team Joest, 2e
2011 : Audi R18 TDI/ Audi Sport Team Joest, 1er