1936, Le Patron s'éloigne, il jure de ne plus jamais remettre les pieds dans son usine
Bugatti est une entreprise qui paie très bien ses ouvriers. Dés 1926, Ettore Bugatti crée une prime de 5% de salaire supplémentaire pour les ouvriers mariés et les familles nombreuses. Les employés qui peuvent prouver qu'ils économisent de l'argent touchent également des gratifications. Le Patron instaure également une participation de 50% aux frais de chemin de fer et prête sans intérêt aux ouvriers qui souhaitent construire leur maison.
1er Mai 1936, lors de la fête du travail, une délégation Bugatti défile pour la 1ere fois avec la CGT de Strasbourg.
La crise économique engendre un malaise social et c'est l'explosion générale en France.
14 juin 1936, Jean fait revenir Ettore de Paris en urgence pour négocier avec les délégués une augmentation générale.
15 juin 1936, les grèves touchent les entreprises métallurgiques Alsaciennes. Serein, Ettore Bugatti affirme que les mouvements de grèves ne toucheront pas son entreprise mais le journal local, "l'echo de Molsheim" relate dans édition du mercredi 17 juin "Une grève générale n'est pas impossible. Les ouvriers n'ont pas oublié les licenciements de 1935 et souhaitent obtenir des garanties d'emploi".
18 juin 1936, 11 heures. Les sirènes hurlent et tous les ouvriers se dirigent vers l'entrée de l'usine. Joseph Mohn, secrétaire régional de la CGTU prend la parole pour annoncer que l'usine est en grève et que personne ne pourra sortir. "Négociez avec le patron" ordonne-t-il. Tout le monde est surpris par cette grève car il n'y a pas de syndicat dans l'usine de Molsheim sinon un comité de la CGT constitué en secret par des ouvriers venus de l'extérieur, en particulier de la SACM de Graffenstaden.
Samedi 20 juin 1936, Ettore, Jean et Pratch tentent de rentrer dans l'usine pour négocier, mais ils sont repoussés.
Ettore, très marqué reste cloitré dans sa résidence de Dorlisheim. En médiateur, le Sous-Prefet René Paira parvient à trouver un compromis et les manifestations du 21 sont annulées.
22 juin 1936, le travail reprend. Les ouvriers croient avoir gagné la grève, mais ils ont perdu le Patron. L'occupation de l'usine fût un choc terrible pour Ettore Bugatti. Le cœur plein d'amertume, ulcéré par ce qu'il tient pour une offense personnelle, une ingratitude incompréhensible, le patron s'éloigne en jurant qu'il ne remettrait plus jamais les pieds dans son usine.
Un règlement revu pour avantager les compétiteurs français
En compétition, la suprématie des purs sang fait partie de l'histoire ancienne, les équipes Italiennes et surtout Allemandes soutenues financièrement par leurs gouvernements survolent les Grand Prix. Le 13 octobre 1935, l’Automobile Club de France décide à son tour de soutenir les constructeurs français en créant une Formule Internationale parallèle. Les voitures, dites de sport, seront dérivées de modèles déjà commercialisés, elles seront biplaces, équipées de moteurs atmosphériques dont la cylindrée ne dépasse pas 4 litres et dotées de tous les accessoires indispensables à un usage routier.
Dans le but de favoriser les écuries bleues, les organisateurs français choisissent la formule Sport pour leurs Grand Prix. Delahaye, Talbot, Bugatti et Amilcar adhérent au projet.
1936, Bugatti en compétition
L’écurie alsacienne délaisse peu à peu les courses de vitesse pour privilégier les courses de voitures de sports moins onéreuses. Les voitures sont issues de la grande série et les courses se disputent par équipage sur des distances proches de 1000 km. Le type 57 sera une bonne base.
Les nouvelles voitures conçues sous la responsabilité de Monsieur Jean reçoivent l’appellation officielle de Type 57G, mais elles sont vite rebaptisées « Tank ». Les carrosseries aérodynamiques rappellent en effet les lignes du tank de 1923.
28 Juin 1936 Grand Prix de l’ACF, Autodrome de Montlhéry
Trois nouvelles Bugatti arrivent à Montlhéry mais la préparation des voitures a été retardée par les grèves récentes. La Bugatti T57G n° 84 pilotée par Jean Pierre Wimille et Raymond Sommer triomphe dés sa première sortie.
5 Juillet 1936 Grand Prix de la Marne. Circuit de Reims-Gueux
Victoire de Jean Pierre Wimille sur la Bugatti T57G
Les derniers lauriers des monoplaces de Molsheim
Bugatti ne ramène qu'une troisième place de Tunis et une sixième à Monte Carlo.
19 juillet 1936, Grand Prix de Deauville - Victoire de Jean Pierre Wimille sur T59 sous les yeux d’Ettore.
9 Aout 1936, Grand Prix du Comminges – Saint Gaudens – Victoire de Wimille sur T59/57
12 octobre 1936, Coupe George Vanderbilt à New York. Seconde place pour Jean Pierre Wimille sur Bugatti T59 à moteur 50B 4,7L derrière l’Alfa Romeo de Tazio Nuvolari.
Des records, encore des records
Sur rail, sur route, sur l’eau ou dans les airs, rien n’arrêtent la soif de records d'Ettore Bugatti.
20 novembre 1936 Multiples records mondiaux de vitesse à Montlhéry dont celui sur 24 heures que Wimille Veyron et Williams effectuent à 199,445 km/h de moyenne. La casse d'un ressort arrière a empêché de dépasser la barrière des 200 km/h.
Sur la Seine, entre le pont de St cloud et le pont de Suresnes, Maurice Vasseur sur un canot Bugatti motorisé par un 8 cylindres de 4700cc est officiellement chronométré à 136.363 km/h, les 500m sont parcourus en 13'2".
Ettore Bugatti demande à l'ingénieur d'origine belge Pierre Louis de Monge, Vicomte de Franeau, s'il peut dessiner un avion capable de battre le record du monde de vitesse aérien avec 2 moteurs de 500 ch, après une semaine de réflexion et de calculs, la réponse est affirmative. L’étude du 100F commence.
1937 Objectif LeMans pour l'écurie Bugatti
Jean Pierre Wimille sur Bugatti T59/57 remporte le GP de Pau le 21 février 1937 et le GP de la loterie Algérienne à Bône le 23 Mai mais le grand rendez-vous est fixé au Mans en catégorie sport avec pour objectif la victoire aux 24 heures.
Mars 1937, Les résultats obtenus par les T57G sont encourageants et la décision de préparer deux voitures pour les 24 heures du Mans est prise. Le délai est hélas relativement court et Jean Bugatti aimerait faire appel aux heures supplémentaires mais celles-ci sont interdites par les accords syndicaux depuis les troubles de 1936. Jean gagne Paris au volant de sa 57S pour obtenir une dérogation auprès de la CGT. En raison du caractère exceptionnel et de la notoriété de l’évènement, le Secrétaire Général Léon Jouhaux donne son accord pour que l’atelier compétition assume cette surcharge de travail.
29 Mai 1937, Robert Benoist responsable du service course de l'usine Bugatti est au Mans avec une voiture d'essai et fait quelques tours de circuit. Par ailleurs, il se rend à l'ACO pour obtenir des renseignements sur le règlement de l'épreuve.
Les candidatures de Marcel Royer et de Raoul Minderien (un pseudo ?), tous deux sur des Bugatti privées ne sont pas confirmées. Cinq Bugatti dont deux officielles sont attendues au pesage.
Samedi 12 Juin 1937, L'équipe Bugatti arrive au Grand Luçé, près du Mans.
Mardi 15 Juin 1937, Pierre Veyron rejoint son équipe. Au volant de la Bugatti n°1 il s'élance à 8h00 de Strasbourg pour arriver au Mans peu avant 16h00. Il a parcouru plus de 700 km en moins de 8 heures.
Mercredi 16 juin 1937, Sur une portion de route entre Francfort et Darmstadt, Rosemeyer sur une Auto-Union avale le kilomètre lancé en 9s et 24/100. 389,310 de moyenne !!! Ce même jour débute les opérations de pesage à la Halle aux Toiles du Mans.
Jeudi 17 juin 1937, en début d’après midi, les Bugatti officielles passent sans problèmes les vérifications techniques. Marcel Horvilleur qui avait engagé une Bugatti privée ne se présente pas aux opérations de pesage. La Bentley engagée par Forrest Tycette et les Talbot officielles déclarent également forfait. 50 voitures seront donc au départ sur les 58 prévues. Les cylindrées s'échelonnent entre 568cm3 pour les petites Simca jusqu'à 4.470 cm3 pour la Lagonda. Un seul concurrent, Alfa Roméo, n'a pas fait vérifier sa cylindrée.
Vendredi 18 juin 1937. Les essais nocturnes s'effectuent entre 1 heure et 6 heures du matin. Les Delahaye tournent régulièrement à plus de 145 km/h de moyenne. Bugatti, Talbot et Alfa Romeo se réservent pour la deuxième séance d'essais.
Samedi 19 juin 1937. Après quelques tours effectués à allure réduite pour reconnaitre le circuit, Jean Pierre Wimille sur la Bugatti T57G n°2 s'arrête brièvement à son stand avant d'affoler les chronomètres, 5'26 pour son 1er tour départ arrêté puis 5'19'80'' dans sa 2ème boucle, soit plus de 152 km/h de moyenne. Le record du tour détenu depuis 1933 par Tazio Nuvolari en 5'31'80'' pour couvrir les 13km492 est pulvérisé de plus de 10 secondes. La Bugatti qui approche les 220 km/h en vitesse de pointe s'annonce comme la grandissime favorite.
Chez les bleus, rien n’est laissé au hasard. Sur la piste comme dans les stands, le perfectionnisme Bugatti est omniprésent. Les mécaniciens ont mis au point une stratégie de ravitaillement. La voiture est ravitaillée en essence, eau et huile; les quatre roues sont changées; les pilotent se relayent; on remet en route, tout cela en 1 minute et 42 secondes !!
La Bugatti Type 57G
La base est un châssis surbaissé de 57S, de 2m98 d’empattement avec passage de l’essieu arrière à travers le châssis. Le moteur est un 3266cm3 à double arbres à cames à carter sec et allumage par magnéto central. Les moteurs sans compresseur sont alimentés par des carburateurs spéciaux préparés par l’ingénieur Viel. La mécanique est préparée aux standards du type 59, ce dernier prêtant également ses magnifiques roues.
N° 1 Bugatti T57G - Roger Labric FRA - Pierre Veyron FRA
La paire Roger Labric - Pierre Veyron un moment en tête lors de l'édition 1935 se retrouve une nouvelle fois associée.
N° 2 Bugatti T57G - Robert Benoist FRA - Jean Pierre Wimille FRA
Il s'agit de la voiture qui a gagné le Grand Prix de l'ACF et le Grand Prix de la Marne en 1936. A son volant, l'illustre Robert Benoist qui fut champion du monde en 1927 est associé au jeune Jean Pierre Wimille. A 22 ans, ce fils de journaliste s’était vu offrir une Bugatti 37A par sa petite amie, Marguerite Mareuse de neuf ans son ainée. Cette riche héritière qui fût la première femme à participer aux 24 heures du Mans lui fait découvrir la compétition automobile. Wimille débute la compétition en 1930 sur des T51 et T54 et remporte le Grand Prix de Lorraine 1932(Alfa). Wimille figure sur la liste des engagés des 24 heures du Mans 1933 aux côtés de son amie Marguerite Mareuse sur une Bugatti, mais l’équipage n’a pas prit part à l’épreuve. Jean Pierre Wimille a rejoint l’écurie officielle Bugatti en 1934, il est considéré comme un des meilleurs, sinon le meilleur pilote français du moment.
N° 18 Bugatti T57S – Raymond De Saugé d'Edrez FRA – Genaro Leoz FRA
Voiture recarrossée par Louis Dubos à la demande de Raymond de Saugé. Cette voiture a participé au Grand Prix de Pau en février 1937.
N° 20 Bugatti T44 – René Kippeurt FRA – René Poulain FRA
Lors de l'édition 1935, René Kippeurt, engagé sur une Bugatti T44 aux côtés d'Edmond Neubout avait du abandonner sur casse moteur. Il devait piloter la Bugatti engagée par le pilote manceau Rénaldi lors de l'édition 1936. Toujours sur T44, il revient cette année associé à René Poulain.
Les adversaires
Alfa Romeo, Raymond Sommer, double vainqueur en 1932 et 1933 pilote une nouvelle Alfa Romeo de 2.905 cm3 à deux compresseurs atteignant plus de 220 km/h en pointe.
Lagonda, La marque victorieuse en 1935 engage deux voitures.
Delahaye, Pas forcément les plus rapides, mais les voitures ont prouvées leur fiabilité et ont fait jeu égal avec Bugatti sur le circuit tortueux de Bône. Avec sept voitures sur la grille, Delahaye peut concurrencer Bugatti. Philippe de Rothschild étant indisponible, René Dreyfus pilotera finalement avec Stoffel.
Talbot, Victorieuses au Grand Prix de Tunisie et aux 3 heures de Marseille, les voitures sont performantes. Bien que non officielles, les deux voitures engagées sont identiques à celles que l'usine devaient aligner. Luigi Chinetti et Louis Chiron forment une paire très solide.
Samedi 19 juin, 16 heures IXème coupe annuelle à la distance, XIIème coupe Biennale Rudge-Whitworth et XIVème Grand Prix d'endurance des 24 heures du Mans.
Le ciel est d’un noir sombre mais quelques rayons de soleil s’invitent peu avant le départ. L’affluence est record. Les anglais sont venus par trains et avions spéciaux. Les français sont venu en masse pour soutenir les voitures bleues.
Départ, La Lagonda no 3, pilotée par Bracken-bury, démarre la première, suivie de la Talbot no 7, pilotée par Raph. Au Tertre-Rouge, Robert Brunet, Dreyfus, Veyron, Carrière, Joseph Paul mènent. Aux Hunaudières, c'est la Talbot de Raph qui prend la tête, suivie de l'Alfa-Roméo no 4 de Sommer, la Delahaye no 8 de Brunet. A Mulsanne, les positions sont inchangées, mais Veyron et Wimille sur Bugatti remontent.
Fin du premier tour, Sommer passe premier, ayant bouclé les 13 kilomètres 492 en 5'44"80. Brunet suit à 160 mètres. Raph à près de 300 mètres ; puis viennent roues dans roues : Dreyfus, de Saugé, Schell. Chaboud, Wimille, Bracken-bury, Carrière et Chiron.
2ème tour, le record en course détenu par Nuvolari est battu par huit voitures.
4ème tour, Wimille qui vient d’effectuer un tour en 5’26 est juste derrière l’Alfa no 4 de Sommer.
5ème tour, Wimille passe en tête. Dès cet instant, le champion de Bugatti qui mène une course assez vive va creuser l’écart. Il compte 30 secondes d’avance après 7 tours. Chiron sur la Talbot no 21 rentre au stand avec des problèmes d’allumage.
9ème tour, 300 mètres après le virage de la Maison-Blanche, René Kippeurt qui pilote la Bugatti n° 20, double la BMW n°30 de Roth. La Bugatti lancée à ce moment à plus de 150 kilomètres à l'heure dérape, roule pendant quelques mètres sur le sable bordant le gabionnage, se met en travers de la route et rentre à toute vitesse dans le mur de protection. Elle effectue alors une série de tonneaux. La BMW est projetée hors de la route et se retourne dans un pré voisin. Survenait la Delahaye 12 pilotée par Trémoulet, lequel emboutit la Bugatti de Kippeurt. La Talbot 7 de Ralph, la Riley 38 pilotée par Forestier et la Frazer Nash n°28 pilotée par Fairfield ne peuvent éviter les obstacles.
Le malheureux René Kippeurt est mort sur le coup. Raph, qui paraissait assez sérieusement blessé, est emmené sur une civière. Le pilote Fairfleld souffrant de contusions abdominales est conduit à la clinique de Lagénière mais succombera.
17h01 Raymond Sommer, le seul pilote a avoir pu tenir le rythme des Bugatti abandonne. La course va donc se jouer entre les Bugatti de Wimille et Veyron et les Delahaye. Jean Pierre Wimille conduit en grand virtuose, battant et rebattant à chaque passage le record du tour.
18h40, Wimille a doublé tout le monde. Il a maintenant près de 14 kilomètres d'avance sur son suivant immédiat, Veyron.
19 heures du matin – 3ème heure de course
|
||||
1 |
Bugatti |
2 |
Wimille-Benoist |
33 tours |
2 |
Bugatti |
1 |
Veyron-Labric |
31 tours |
3 |
Delahaye |
11 |
Schell-Carrière |
31 tours |
4 |
Delahaye |
14 |
Paul-Mongin |
30 tours |
5 |
Bugatti |
18 |
De Sauge-Léoz |
30 tours |
6 |
Delahaye |
10 |
Dreyfus-Stoffel |
29 tours |
Wimille, au cours du 38* tour, bat à nouveau le record du circuit en 5'3" (moyenne, 155,180 km/h).
19h15, Veyron, sur la Bugatti N° 1 qui a effectué 33 tours sans ravitailler, s'arrête à son stand et 1' 45" plus tard, son coéquipier Roger Labric repart.
19h28, Jean Pierre Wimille, vivement applaudi, ravitaille à son tour et, 1'35" plus tard, Robert Benoit, champion du monde en 1925, repart au volant de la Bugatti No 2 avec plus d'un tour d'avance.
Au cours de la soirée de violents orages inondent le circuit.
2 heures du matin – 10ème heure de course
|
||||
1 |
Bugatti |
2 |
Wimille-Benoist |
105 tours |
2 |
Delahaye |
11 |
Schell-Carrière |
101 tours |
3 |
Delahaye |
14 |
Paul-Mongin |
101 tours |
4 |
Delahaye |
10 |
Dreyfus-Stoffel |
99 tours |
5 |
Bugatti |
1 |
Veyron-Labric |
98 tours |
6 |
Bugatti |
18 |
De Sauge-Léoz |
95 tours |
Le brouillard couvre certaines portions du circuit et les concurrents diminuent l’allure. Il faut souligner qu’en éclairage, les Bugatti possèdent une installation Bosh qu’on peut donner en modèle.
De Saugé et Léoz sur la Bugatti n°18 abandonnent sur casse de la boîte de vitesses.
Mi-course, Wimille et Benoist ont effectué 126 tours à une moyenne de 140,332 km/h. Avec les premiers rayons de soleil, les phares s’éteignent peu à peu et l’allure augmente.
4 heures du matin – mi-course
|
||||
1 |
Bugatti |
2 |
Wimille-Benoist |
126 tours |
2 |
Delahaye |
11 |
Schell-Carrière |
120 tours |
3 |
Delahaye |
10 |
Dreyfus-Stoffel |
119 tours |
4 |
Delahaye |
14 |
Paul-Mongin |
118 tours |
5 |
Bugatti |
1 |
Veyron-Labric |
116 tours |
6 |
Delage |
19 |
De Valence |
106 tours |
5h32 exactement, la Bugatti n° 1, pilotée par Veyron et Labric, qui roulait en dessous de des capacités et qui s'était attachée à surveiller les Delahaye s'arrête à son stand. Le réservoir d’essence dessoudé ne permet plus d’effectuer la distance imposée entre deux ravitaillements (24 tours). C’est l’abandon pour la Bugatti n° 1. Il ne reste plus qu'une seule Bugatti en course.
6h00, La moyenne de la Bugatti de tête est de 141,147 km/h. A 6h02 exactement, Benoist, qui est au volant double le cap des 2.000 kilomètres.
8h00 Il ne reste que 20 voitures en course.
8h25, La Delahaye n° 9, qui venait de s'arrêter à son stand pour ravitailler prend feu. On se précipite sur les extincteurs et le danger est rapidement conjuré, mais l'appareillage électrique est grillé et Villeneuve, qui avait fait une fort belle course, est obligé d'abandonner.
9 heures, Wimille qui est au volant accélère l'allure et tourne à 145 kilomètres de moyenne. A 9h40, il a atteint la distance minima imposée et l'indice de performance apparaît au tableau d'affichage.
10 heures, Laury Schell qui conduit la Delahaye n° 11, rentre doucement à son stand. La vapeur fuse en sifflant du capot.
11h15, la Delahaye de Shell et Carrière, seconde au classement général, abandonne dans la ligne droite des Hunaudières.
Largement en tête, la Bugatti effectue plusieurs arrêts pour contrôler la mécanique. A plusieurs reprises, le mécanicien se penche sur l'essieu droit de la voiture et l'examine attentivement. Dès lors les champions de Bugatti, qui ont la course en main, ralentissent considérablement l'allure et tournent en 6m30s.
Midi – 20ème heure de course
|
||||
1 |
Bugatti |
1 |
Wimille-Benoist |
208 tours |
2 |
Delahaye |
14 |
Paul-Mongin |
192 tours |
3 |
Delahaye |
10 |
Dreyfus-Stoffel |
191 tours |
4 |
Delage |
19 |
De Valence-Gérard |
180 tours |
5 |
Aston Martin |
37 |
Sheffington-Néale |
171 tours |
6 |
Adler |
33 |
Graf Orssich-Sauerwein |
171 tours |
Les minutes s'écoulent, rapides. La foule devient de plus en plus dense. Les stands sont envahis de toutes parts et les gendarmes ont peine à contenir le service d'ordre.
Plus qu'une minute ! M. Charles Faroux, directeur de course, se place à la hauteur du poste de chronométrage avec un grand drapeau à damiers noirs et blancs. Quelques secondes encore, et le drapeau s'abaisse. Bugatti remporte les 24 heures du Mans 1937.
Victoire historique pour l’écurie Alsacienne et splendide résultat d’ensemble pour les constructeurs français. Les trois Peugeot au départ terminent dans les dix premières au classement général.
16 heures Arrivée |
No |
Equipages |
Distance km |
Moyenne |
Tours |
|
1 |
Bugatti |
2 |
Wimille-Benoist |
3.284,938 |
136,977 |
|
2 |
Delahaye |
14 |
Joseph Paul-Mongin |
3.193,432 |
133,059 |
|
3 |
Delahaye |
10 |
René Deyfus-Henri Stoffel |
3.125,428 |
130,226 |
|
4 |
Delage |
19 |
De Valence-Gérard |
2.907,590 |
121,149 |
|
5 |
Aston Martin |
37 |
Sheffington-Martin Neale |
2.768,686 |
|
|
6 |
Adler |
33 |
Graf Orssich-Sauerwein |
2.766,894 |
|
|
7 |
Peugeot |
26 |
Pujol-Contet |
2.739,634 |
|
|
8 |
Peugeot |
25 |
Charles de Cortanze-Serre |
2.739,576 |
|
|
9 |
Adler |
34 |
Von Guillaume-Lohr |
2.730,806 |
|
|
10 |
Peugeot |
27 |
Danniell-Louis Regal |
2.668,060 |
|
|
La Marseillaise retentit, l’émotion est intense. La précédente victoire française remontait à 1926. 11 Ans plus tard, L' Alsace succède à la Lorraine.
title="Robert Benoist et Jean Pierre lle"Wimi>les deux vainqueurs avaient les traits fatigués. Jean Pierre Wimille ne semblait pas comprendre ce qui lui arrivait. Robert Benoist ne cachaient pas les efforts que tous les deux avaient du fournir «D’année en année, les mécaniques vont plus vite, mais les hommes restent dans les mêmes conditions. Songez que sur la route nationale (Les Hunaudières) nous étions à une vitesse variant entre 200 et 215 km/h. Même à deux, ça devient terriblement difficile, et puis je vieillis, mais ne le dites pas»
L'indice de performance
Chaque voiture doit, d'après sa cylindrée couvrir en 24 heures une certaine distance en kilomètre. Si elle ne réussit pas, elle n'est pas classée. Si elle couvre une distance supérieure, le rapport distance_réelle / distance_imposée donne l'indice de performance. Les distances minimales imposées s'échelonnent entre 1.621 km pour la Simca et 2.577 km pour la Lagonda. Pour le cas Alfa Romeo, la distance était portée à la valeur maximale de 2.820 km mais l'écurie italienne visait surtout la victoire au classement général.
Indice de performance |
No |
Equipages |
Indice |
|
1 |
Bugatti |
2 |
Wimille-Benoist |
1.320 |
2 |
Delahaye |
14 |
Joseph Paul-Mongin |
1.267 |
3 |
Aston Martin |
|
Sheffington-Martin Neale |
1.268 |
4 |
Delahaye |
10 |
René Deyfus-Henri Stoffel |
1.235 |
5 |
Adler |
|
Graf Orssich-Sauerwein |
1.227 |
6 |
Simca 5 |
|
Viale Alin Albert |
1.214 |
Kilométrage imposé
750cm3=1.807.692km - 1000cm3=1.985,915km - 1100cm3=2.040,789km - 1500cm3=2.203,125km
2000cm3=2.330,578km - 3000cm3=2.473,684km - 4000cm3=2.552,036km - 5000cm3=2.601,457km
8000cm3=2.679,334km (La Bugatti avec son 3266cm3 sans compresseur avait 2498km a réaliser)
Pourquoi les Bugatti arboraient-elles les no 1 et 2 ?
Depuis 1923, les numéros de course des voitures des 24 heures du Mans sont attribués en fonction de la cylindrée de la voiture. En cas d'utilisation d'un compresseur, une coefficient multiplicateur (de 1,6 pour l'édition 1937) vient corriger cette cylindrée. La plus forte cylindrée porte donc le n°1 jusqu'à la plus petite qui porte le n°50. On pourrait conclure rapidement que les Bugatti dont le moteur est de 3.266 cm3 disposaient d'un compresseur. puisqu'elles arboraient les n° 1 et 2. Il n'en est rien car si on continue ce même raisonnement, l'Alfa Romeo no 4 de 2.905cc avec son compresseur (2905x1.6=4648) aurait du disposer d'un numéro de course plus petit que la Lagonda n°3 dotée d'un 4.469cm3. On remarquera également que l'ordre des cylindrées n'est pas respecté pour les Delahaye et que la Talbot n° 21 équipé d'un 3.993 aurait du obtenir un numéro de course bien inférieur. Pour cette édition 1937, la règle d'attribution des n° de course en fonction de la cylindrée n'a donc pas été scrupuleusement respectée.
Compresseur ou pas ?
A priori non et vous trouvez ci-dessous une liste d'arguments. Le débat reste ouvert et vos commentaires seront les bienvenus.
- Le calcul de l'indice de performance de la Bugatti n°2 est fait sur la base d'une cylindrée de 3.266cm3 sans compresseur. (2498km à réaliser et 3.284,938km fait en 24 heures)
- Il est difficile de cacher un compresseur aux commissaires techniques de l'ACO. Il faut rappeler qu'à l'époque la Bugatti était avant-gardiste et que la voiture fût particulièrement observée.
- La concurrence n'aurait pas manqué de rappeler aux organisateurs une tricherie si Bugatti avait omis de signaler ou cacher la présence d'un compresseur.
- Roger Labric dans Histoire d'une grande bataille pacifique et sportive parle des compresseurs d'Alfa mais jamais de compresseurs pour Bugatti. Il faut rappeler qu'il pilotait la Bugatti T57G n° 1.
- Lucien Wurmser dans Mécanicien de Grand Prix précise qu'il n'y avait pas de compresseur sur la Bugatti. T57G lors des 24h du Mans 1937. Il était présent lors de cette épreuve comme mécanicien de l'usine Bugatti. Robert Aumaitre a plusieurs fois soutenu le même discours.
«Le constructeur de Molsheim alignait au Mans, deux châssis de son modèle 57 sans compresseur, châssis habillé de la meilleure carrosserie profilée qu’on puisse imaginer. Wimille dans un grand jour s’en allait, menant à sa guise, tournant à 5m15s, c'est-à-dire près de 155 km/h, vitesse jamais approchée ici. Wimille comme Benoist ont été très maîtres d’eux-mêmes et, fort d’une supériorité démontrée, ont conduit avec autant de tête que de virtuosité» «Cette Bugatti qui doit à sa forme rationnelle de carrosserie un gain de vitesse d’au moins 30km/h, nous a stupéfié par sa faible consommation. Quand tout le monde ravitaillait vers 25 tours, la Bugatti faisait 40 tours, près de 550 km et pouvait faire davantage ; sa consommation n’excède guère 20 litres aux 100 kilomètres. Je tiens pour assuré que Bugatti a encore marqué notre histoire d’une empreinte puissante et originale. Voyez ce qu’un constructeur habile et maître de son art a fait pour améliorer le rendement global et comme il a su marier, avec les nécessités d’une bonne pénétration, les lignes les plus harmonieuses. Comme toujours, la très belle mécanique est une très bonne machine. Il faut féliciter sans réserves, le maître d’abord, l’inspirateur, son fils Jean Bugatti et ce précieux ingénieur qu’est Viel. De tous les succès qu’a remportés Bugatti, je n’en mets aucun plus haut. Dieu sait, cependant, si le palmarès en est long et je ne répèterai jamais assez qu’en gagnant la rude épreuve du Mans comme il l’a gagnée, en battant tous les records, en amenant au poteau une voiture aussi nette, aussi parfaite qu’au premier départ, à part quelques traces d’un ‘baiser’ un peu appuyé au talus, Bugatti a donné au monde une leçon de mécanique, de logique et de bon sens» Journal l’Auto, Lundi 21 juin 1937 – Charles Faroux - Directeur de la course et Journaliste
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Une prime d'un million de francs pour motiver les constructeurs français
Pour contrer les voitures de Grand Prix allemandes et italiennes puissamment soutenues sur le plan financier par leur gouvernement, la Fédération nationale des clubs automobiles de France, en accord avec le ministère des Travaux publics crée un fond de course et offre en particulier une somme d’un million de francs au constructeur français qui avec une voiture conforme à la formule internationale 1938-1939-1940, aura accompli la meilleure performance avant le 31 août 1937, sur une distance de 200 km à une vitesse moyenne minimum de 146,508 Km/h sur l’autodrome de Montlhéry. (Moyenne réalisée par Mercedes en 1935). La récompense est approvisionnée par une taxe de 10 francs sur tous les permis de conduire.
Avril 1937, Jean Pierre Wimille sur le type 59 tourne à 146,64 km/h de moyenne.
Le 27 août 1937, René Dreyfus sur une Delahaye 145 V12 réalise, dès sa première tentative, une moyenne de 146,654 km/h. Le 31 août, 18h42, Jean Pierre Wimille sur une Bugatti 50B tente de ravir ce record, mais la casse du pont arrière va causer son abandon. La firme Delahaye exploite largement son ‘million’ sur le plan publicitaire. Bugatti, en s’octroyant la seconde performance empoche malgré tout 400.000 Francs.
Bibliographie
Le journal l'Auto - Juin 1937
Le journal l'Ouest-Eclair - Juin 1937
Mécanicien de Grand Prix - Lucien Wurmser
Les 24 heures du Mans 1994- Teissedre - Moity
Histoire d'une grande bataille pacifique et sportive - Roger Labric
Les Bugatti - Splendeur et passion d'une dynastie - Philippe Aubert
et une multitude de documents de la presse locale