Le moteur diesel au Mans
Après six années de succès, le moteur Diesel part grand favori de l'édition 2012. On n'aime ou on n'aime pas. Pour ma part, je suis pour la diversité à condition qu'une règle d'équivalence adaptée soit instaurée, que les nouvelles technologies ne soient pas réservées qu'aux plus riches et que tous les concurrents partent sur un pied d'égalité.
Invention du moteur diesel
Il existe des différences indéniables entre les voitures diesel et essences : les moteurs diesel sont intrinsèquement plus efficaces que les moteurs à essence, le gasoil contenant par volume environ 10% d’énergie en plus que l’essence. Une quantité d'énergie précise peut se mesurer de nombreuses manières : en tonnes d'équivalent pétrole (TEP), en kilowatts heure (kW/h), en kilojoules (kJ), en kilocalories par kilo (kcal/kg), etc. Et toutes ces unités de mesure sont convertibles entre elles.
Alors le prochain carburant, l’éthanol ? le bio carburant ? l’huile végétale ? la poudre de métal ? l’hydrogène ? en attendant le solaire ou peut-être l’eau … !!!
Le Moteur diesel au Mans
1949, La 1ere apparition d'un moteur Diesel aux 24 heures du Mans date de 1949, c'est une Delettrez. Sur un chassis trouvé chez Unic, les frères Jean et Jacques Delettrez installent un moteur 6 cylindres de 4395 cm3 d'origine GMC. Ce moteur fournit environ 70 chevaux et permet d'atteindre les 170 km/h en vitesse de pointe. La carrosserie est d'origine Delage V12. Ils abandonnent sur panne d'essence peu avant la mi course, pardon, panne de Gasoil.
1950, La même Delettrez explose son démarreur lors de son dernier arrêt au stand, c'est l'abandon.
(photo Ebay)
1950 marque aussi l'engagement d'une MAP (Manufacture d’Armes de Paris) . Cette firme qui produit des tracteurs, engage la première voiture à moteur central de l’histoire du Mans. Le moteur est un quatre cylindres diesel de 4960 cm3 suralimenté. Arborant le no 1, elle est pilotée par Lacour et l'illustre Veyron, déjà vainqueur sur Bugatti en 1939. Des fuites au niveau du refroidissement vont la contraindre à l'abandon après 39 tours.
1951, La Delettrez équipée d'une nouvelle culasse abandonne sur bris de soupape en couvrant son 24eme tour.
(photo ebay)
2004, Ian Dawson engage une Lola B2K/10 équipée du V10 TDI Volkswagen badgé Caterpillar. La transmission ne supportera pas le couple du moteur. Elle abandonne durant la 5eme heure de course. Peu photogénique, bruit peu sportif, l'engagement fait sourire. Peu de spectateurs présents ce jour là ont envisagé une écrasante domination du diesel deux ans plus tard.
2006, Audi engage via la structure du Joest Racing deux Audi R10 Diesel. C'est un moteur V12 TDI de 5499 cm3, 4 soupapes par cylindre, deux arbres à cames. L'introduction du carburant se fait par un système de rampe commune (Common Rail) moderne, à plus de 1.600 bars. En course, ce sera une insolante domination, les voitures réalisent un doublé historique. Consommation faible, performances hors normes, dans le silence le plus total.
2007, Audi aligne trois R10 diesel. Peugeot fait son retour en endurance et engage deux 908 à moteur diesel. Le V12 HDI FAP est un douze cylindres en V ouvert à 100° de 5,5 L doté d'un filtre à particules. La puissance annoncée est de 700cv pour un couple de 1200 Nm. Victoire d'Audi devant Peugeot.
Palmares du moteur diesel aux 24 heures du Mans
Lettre ouverte d' Henri Pescarolo aux amoureux des 24 heures du Mans
Lors des 24 Heures du Mans 2006, les concurrents utilisant des motorisations essence avaient eu tout le temps de constater que les équivalences définies par le règlement ACO n’étaient pas très justes. La presse s’en était d’ailleurs fait l’écho, et le public l’avait également compris. Cependant, certains ont pensé qu’il était tout à fait normal qu’une Audi Diesel soit en moyenne 3 à 4 secondes plus rapide sur un tour de circuit que la meilleure des voitures propulsées par un moteur essence. Pour eux, cette différence n’était due qu’à la différence colossale des moyens mis en œuvre par les uns et les autres. C’est faire peu de cas des ingénieurs aérodynamiciens qui ont étudié et réalisé les voitures engagées lors de la saison 2006. Ils ont entre autres à leurs « palmarès » la Peugeot 905 et la Toyota GT One (André de Cortanze), toutes les Courage (Paolo Catone), la Bentley Speed 8 (Peter Ellleray), la Cadillac et la Panoz (Claude Galopin), la Zytek et la Creation (Ben Wood), sans oublier les bureaux d’études de Dallara et Lola qui sont largement impliqués dans quelques grands projets actuels.
De nombreuses simulations avaient cependant été réalisées, par différents bureaux d’études, et toutes arrivaient à la même conclusion que la motorisation Diesel était largement favorisée. Pour en avoir le cœur net, et se voulant prudent, l’Automobile Club de l’Ouest (ACO) a équipé toutes les voitures des 24 Heures d’un système d’acquisition de données enregistrant tous les paramètres sur un tour de circuit. Ces mesures ont été en partie publiées à l’issue de la course. La plus significative se situe dans le partiel n°1 - ligne droite des Tribunes – car si l’Audi est de 0,544seconde plus rapide sur l’ensemble du secteur, sur les 398 mètres d’accélération pure, il lui faut 0,1395 seconde de moins pour passer de 130 à 250 Km/h, que la meilleure essence. Rapporté aux 9 600 mètres d’accélération en ligne droite que comporte le circuit, cela ferait 3,36 secondes au tour. C’est assez proche de la réalité. Un calcul théorique permet d’évaluer qu’à pneumatiques identiques cet écart en accélération est généré par une différence de puissance de l’ordre de 57 chevaux. Là aussi on est proche des chiffres annoncés. Voyons le deuxième partiel – ligne droite des Hunaudières - : 1,19 seconde de mieux pour l’Audi. Comme les vitesses de pointe sont identiques, 325 contre 326 Km/h, il ne s’agit là encore que d’une différence d’accélération en ligne droite jusqu'à ce que la vitesse maximum soit stabilisée. Les deux chicanes étant prises sensiblement à la même vitesse. Le troisième secteur avec 1,34 seconde de mieux pour l’Audi confirme les deux précédentes analyses, mais dans les virages Porsche, c’est plus le couple que la puissance qui apporte un avantage. Par contre l’écart entre le meilleur tour en course de l’Audi et de la meilleure essence est tout à fait significatif : 4,4 secondes (3’31’’211 contre 3’35’’656) c’est énorme, et nous n’en sommes qu’au début du développement des moteurs Diesel !
Une étude plus fine des temps partiels permet de constater que le gain en virage, de l’ordre de 1,5 seconde n’est pas négligeable, mais n’est pas indépendant de la puissance disponible. En effet pour une puissance supérieure, une vitesse de pointe identique, signifie un choix aérodynamique plus chargé, donc une meilleure tenue de route. Cela dit, il n’y avait pas besoin d’être polytechnicien pour prévoir qu’en application toute bête du rapport poids/puissance, une voiture diesel développant 700 CV allait accélérer beaucoup plus fort à poids identique qu’une voiture essence ne disposant que de 640 CV!
Le communiqué publié le 13 juillet dernier par l’ACO était pourtant clair : « seul un avantage lié à la performance du moteur peut nous amener à prendre des mesures afin de réduire la performance ». Au vu des chiffres précédents qui mettent nettement en évidence cet avantage lié a une motorisation Diesel, on pouvait donc s’attendre, et des promesses avaient été faites dans ce sens, à ce que de nouvelles équivalences soient appliquées pour 2007.
Don Panoz a d’ailleurs montré la voie en American Le Mans Serie. En retirant 65 Kg des voitures essence, il a trouvé une réelle égalité entre les différents concurrents. Les dernières courses de la saison ont été passionnantes, et finalement si Audi a continué à gagner, ce qui paraît normal, c’est en se battant jusqu’au bout à armes égales, et cela est complètement nouveau.
La publication récente du règlement des 24 Heures 2007 laisse apparaître avec clarté, que l’ACO a choisi de préserver un avantage substantiel à la motorisation diesel. Or seuls les deux constructeurs présents en LMP1 peuvent en disposer. Est-ce un hasard ? si tel n’est pas le cas, c’est grave. Car cela signifie que l’ACO désire que personne ne puisse venir troubler le jeu des deux grands. Si l’on assiste à une huitième victoire consécutive du groupe VAG aux prochaines 24 Heures du Mans sans qu’il y ait une réelle opposition, l’ACO aura des comptes à rendre au public et aux médias en juin prochain.
Il y a toutefois une lueur d’espoir, une petite concession a été faite : la contenance des réservoirs de gasoil a été réduite de 9 litres afin que toutes les voitures s’arrêtent en même temps pour ravitailler. Ceci représente 0,7 secondes au tour sur 24 heures, ce qui est loin d’être suffisant. Mais c’est peut-être le signe que certains sont en train de se rendre compte, à l’ACO, que le premier devoir d’un club aussi innovant dans le domaine technique est d’instituer une équité parfaite et d’harmoniser les puissances entre les différentes motorisations admises dans ses épreuves, diesel, essence ou hybrides quels qu’en soient les utilisateurs. Et alors, comme le stipulait le communiqué ACO de juillet 2006 : « tous les autres éléments de la voiture étant construits avec le même cahier des charges, il appartient donc aux constructeurs de réaliser la meilleure voiture ».
En attendant, par respect pour les amoureux des 24 Heures du Mans, et avec de nouveau je l’espère, le soutien du public, Pescarolo Sport relèvera quand même ce nouveau défi. Plus motivée que jamais, l’écurie sarthoise engagera deux nouvelles voitures, à l’aérodynamique évoluée, fermement persuadée que même dans l’univers du sport, quelque fois, la morale peut triompher.
Henri Pescarolo (2007)