randy lanierComment Randy Lanier, ancienne superstar de l'Indy, est devenu le cerveau de l'une des plus grandes opérations de trafic de drogue de l'histoire américaine.

 

Ce n'est pas un secret, la compétition automobile demande du talent et de l'argent, beaucoup d’argent, surtout si vous voulez vous battre pour la victoire. Dans les années 80, la plupart des propriétaires d'équipes de la Camel GT Series réunissent le budget par des moyens légitimes. Beaucoup ont développé des accords avec des sponsors pour les soutenir, mais pas tous….

Les histoires de ces hors-la-loi sont scandaleuses et parfois difficiles à croire. Les récits sur leur ascension vers la gloire et leur inévitable déchéance a souillé la série Camel GT. La blague de l'époque était que l'IMSA était l'acronyme de l'Association internationale des contrebandiers de marijuana", se souvient Bobby Rahal. La majorité des concurrents du Camel GT était pourtant constituée d'honnêtes hommes d'affaires, mais il y avait des vers dans le fruit.

Les parents de Randy Lanier, Noel et Elsie, cultivaient du tabac dans une ferme de Virginie. "Pas des gens prospères, ils n'avaient même pas l'eau courante mais ils travaillaient dur." se souvient Lanier. À la fin des années 1960, les parents de Lanier avec leurs cinq enfants déménagent vers une petite ville de Floride, Hollywood, près de Fort Lauderdale. Son père travaillait comme menuisier, sa mère comme soignante dans un hôpital psychiatrique.

Randy Lanier a 14 ans. Plus intéressé à aller à la plage avec des amis ou à fumer de l'herbe qu'à assister à ses cours, il commence à vendre de la marijuana à ses camarades de classe du lycée pour gagner rapidement de l'argent et pouvoir fumer de l'herbe gratuitement. De l’argent facile, trop facile.

Sur le point d'être expulsé pour avoir vendu un joint à un camarade de classe, Lanier quitte le lycée et commence à travailler dans le bâtiment. Mais il continue de vendre de l'herbe à ses ex-camarades de classe. L'argent était bien plus facile à gagner que dans des tâches qu’ils considéraient comme des travaux forcés. La petite affaire prend de l'ampleur et à l'âge de dix-neuf ans, il achète son premier bateau à moteur. De là, il n'y a eu qu'un petit saut pour transporter de la marijuana depuis des bateaux offshore jusqu'à des zones de largage sur la côte. Avec le temps, les bateaux sont devenus plus grands, plus rapides et plus insaisissables, du "go-fast boat". Avant d'atteindre l'âge de trente ans, Lanier s'est retrouvé à la tête d'un trafic de plusieurs millions de dollars en ramenant de la drogue directement de Colombie vers différents ports de la côte Est.

La carrière comme pilote automobile de Randy Lanier est la définition même de "fulgurante". Elle a commencé presque par accident lorsqu'il s'inscrit à un stage de pilotage en visitant le stand de la SCCA lors d'un salon à Miami à la fin des années 1970.
« C’est l'un des meilleurs et des plus talentueux élèves que j'ai jamais eu" confiera l’instructeur
Après avoir préparé une Porsche 356 Speedster de 1957 dans son garage, il participe aux événements de la SCCA et remporte le championnat régional du sud-est en production E en 1980.

lanier Speedster

Il engage sa Porsche bleu avec des parements orange au National Runoffs à Road Atlanta, il y rencontre John Paul Sr. Ayant commencé à courir relativement tard dans sa vie, il rattrape le temps perdu.

1981 Le premier contact de Lanier avec les courses IMSA eu lieu lors de la finale de la saison 1981 à Daytona, où il a copilote une 935 avec Dale Whittington. Lanier s'est immédiatement lié avec les autres pilotes de Floride du Sud qui faisaient alors partie de la scène IMSA : Les frères Whittington, Preston Henn et Marty Hinze.

24h de Daytona 1982. Pour remplacer Janet Guthrie malade, Henn appâté par l’odeur des billets à placé un 3ème pilote payant aux cotés de l’expérimenté Bob Wollek, un débutant nommé Lanier. Il est inutile de préciser ici que Bob Wollek n’est guère amusé d’avoir à partager le volant de la Ferrari 512 BB/LM du Nart avec un novice. Compte tenu de sa totale inexpérience et qu’il n’a jamais piloté de nuit, il est convenu que Lanier ne prendra son premier relais que le dimanche matin. Aux 2 tiers de la course, la Ferrari est seconde. A la 18eme heure, Bob Wollek cède le baquet à Lanier. Lors de son premier tour, le ‘pilote en herbe’ sort de la piste et casse la suspension. C’est l’abandon. Bob Wollek en a gros sur le cœur mais il encaisse sans broncher.

Le trafic maritime entre la Colombie et les côtes de Floride prend une ampleur phénoménale. Il dispose d’une véritable flottille, des hors-bords, un bateau de pêche reconfiguré, une barge pouvant contenir plus de 80 tonnes de marijuana et des remorqueurs. Le transport, la logistique, la distribution, il maitrise l’ensemble de la chaine.
Lanier est exubérant. A l'époque, il y avait peu de trafiquants, voire aucun, assez effronté pour faire entrer clandestinement des chargements de drogue de cette taille aux Etats-Unis.
En mars, lors des 12 heures de Sebring, Lanier pilote une 935 avec Dale Whittington et Henn puis dispute Charlotte avec Hinze.

24 heures du Mans 1982. Encouragé par la bonne prestation de la 512 à Sebring, le Nart confie une de ses voitures à Preston Henn. Malgré l’échec de Daytona, mais peut-être aussi grâce aux ‘NarcoDollars’, Lanier est appelé pour rejoindre Henn afin de disputer les 24 heures du Mans sur la Ferrari 512 BBLM (355527) n°73.

Randy Lanier et son épouse Pam utilisent un jet privé et s’installent dans un château de 56 pièces près du Mans. "Avant même d'arriver sur la piste, j'ai été bouleversé par la grandeur de l'événement." Se souvient Lanier. "Ce style de vie, la course, tout l'ensemble. J'ai dit à ma femme à l'époque que c'était ce que je voulais faire pour le reste de ma vie"

Lanier LeMans

24 heures du Mans 1982. Randy Lanier et Preston Henn

La Ferrari est engagée dans le groupe IMSA/GTX. Contrairement aux autres 512 qui sont équipées de pneus Michelin, la 73 dispose de pneus GoodYear.

Henn qualifie l’auto en 4’07’’32 assez loin de ses concurrents directs.

16h00 Invité d’honneur, Luigi Chinetti abaisse le drapeau tricolore. Preston Henn prend le départ depuis la 51eme position.
16h26 7eme tour, Henn effectue un tête à queue dans gravité. Il passe au stand pour faire vérifier le train avant
16h53 Henn ravitaille. Après 3 min d’immobilisation, Lanier prend la piste.

24h du Mans 82 Ferrari T-Bird Imsa GTX 73
1ere heure – 36eme position
17h59 Après une heure au volant, Lanier ravitaille et cède le volant à Denis Morin.

24h du Mans 1982 Ferrari 512BB/LM 73
2eme heure – 29eme position
Denis Morin tourne 4’01’’2, un temps bien inférieur à celui des qualifications.
3eme heure – 22eme position – 7eme du groupe IMSA/GTX
19h03 Suite à une incompréhension entre le les stands et le pilote, Denis Morin effectue un tour de trop et tombe en panne sèche au début des Hunaudières.
19h25 C’est l’abandon officiel de la Ferrari 512BB/LM n°73

250 miles de Daytona en juillet, Lanier parvient avec Henn à la 4eme place, suivi d’une troisième place avec Hinze aux 6 heures de Mosport. A la fin de la saison 82, il termine à la seizième place du championnat IMSA.
Lanier se forge une réputation de pilote rapide avec des moyens financiers sortis de de nulle part.

1983 Lanier termine à une impressionnante deuxième place aux 24 heures de Daytona.

1984 Avec Bill Whittington, Lanier fonde ‘Blue Thunder Racing’. Le nom de l'équipe est délibéré et souligne l'insouciance croissante de Lanier dans ses affaires. Blue Thunder fait référence à un catamaran de 12 mètres (39 pieds) à doubles coques conçu par Don Aronow, champion du monde de vitesse et célèbre concepteur/constructeur de bateaux de compétition de type "cigarette". Il a vendu quatorze bateaux Blue Thunder au service des douanes américain en promettant qu'ils pourraient surpasser les bateaux à simple coque utilisés par les contrebandiers, dont beaucoup ont également été conçus par Aronow. Il s'est avéré que les bateaux ’Blue Thunder’ ne le pouvaient pas et que le gouvernement a gaspillé des millions dans ce programme.
Lors de cette année 1984, le duo Lanier Whittington mène la March 84G-Chevy à la victoire à 6 reprises et remporte le championnat IMSA en fin de saison. Rappelons ici que la March a été conçue par le jeune ingénieur débutant, Adrian Newey.

Le succès hyper rapide de Lanier sème les premières graines de sa future chute. Sans moyens, sans soutiens visibles, sans sponsors et sans l'implication de March Engineering, Lanier avait en quelque sorte réussi un miracle en remportant le championnat contre des concurrents apparemment mieux financés et bien plus expérimentés.

Lanier imsa

À la fin de la saison, lors du banquet de remise des prix, un pilote étonné s'est approché de l'un des membres de l'équipe de Lanier : "Je ne sais pas d'où viennent ces gars du Blue Thunder, mais c'est la seule équipe de course où tous les membres, y compris ceux qui s’occupent du ravitaillement, portent une Rolex ».
"C'était une année en or pour moi aussi bien en course que dans la contrebande", dit Lanier. " Je venais de gagner des dizaines de millions de dollars. L'argent affluait. Je me sentais au sommet du monde".

Il fallait effectivement gagner beaucoup d’argent pour financer une saison IMSA au plus haut niveau. Lanier dit qu'il a dépensé tellement de millions qu'il a cessé de suivre les comptes. "Je n'avais pas de budget, à vrai dire »

Les autorités fédérales, qui enquêtaient déjà sur les frères Whittington, commencent à s’intéresser sur l’origine des fonds de l’écurie de Randy Lanier.

1985 Randy refuse l'offre de Ford pour participer à la Trans Am Series, préférant saisir l'occasion de conduire des voitures Indy. Il avait toujours eu pour objectif de participer à l'Indianapolis Motor Speedway et de remporter les Indianapolis 500. Sa demande de participation à L’Indianapolis 500 est cependant refusée par les organisateurs en raison de son inexpérience des courses sur ovale.

Frank Arciero, une figure légendaire connue pour sa capacité à dénicher des débutants talentueux lui fait signer un contrat pour l’année suivante. Location de piste, location de monoplace, Lanier dépense sans compter pour acquérir l’expérience nécessaire.

C’est la grande vie. Des voitures de sport, des maisons, c’est l’opulence. Pam et lui se rendent aux courses en jet privé et organisent des fêtes somptueuses, remplissant les jacuzzis de Dom Pérignon. L'argent de la drogue coule à flots, à tel point que Lanier a dû en blanchir une grande partie en utilisant un réseau de comptes à l'étranger. Via des millions versés à des sociétés écrans, il construit un casino appelé le ‘Bell Gardens Bicycle Club’ en Californie. "Nous dépensions tous de l'argent par millions", dit Lanier. "Quand nous l'avons construit, c'était le plus grand casino de cartes des États-Unis."

Peu de temps avant l’Indy 500, se souvient M. Lanier, la barge transportait cette fois-ci le plus gros chargement, un transport ‘stupéfiant’ de 83 tonnes, d'une valeur d'environ 55 millions de dollars. Dans le même temps, Lanier était de plus en plus préoccupé. Il a repéré deux hommes garés près de son allée, et d'autres semblaient suivre Pam et lui dans les restaurants locaux. "J'ai vu des gens que je croyais me surveiller", dit Lanier. "Je n'utilisais jamais deux fois les mêmes téléphones." Puis, une semaine avant l'Indy 500, on a sonné à ma porte. C'était le frère de mon distributeur en Louisiane et il avait un message terrible. "Mon frère a été arrêté, et il coopère", dit-il à Lanier. "Le FBI vous surveille."
"Nous étions tellement engagés - tant d'argent, tant de personnes impliquées", dit-il. "Tant de choses avaient été dépensées pour les courses, le casino et les maisons». Lanier ordonne au capitaine du remorqueur de changer de cap depuis la Louisiane. La barge allait maintenant passer par le canal de Panama, puis naviguer vers le nord à travers le Pacifique vers un port qu'elle avait auparavant utilisé en Californie. Ce serait, espére Lanier, son dernier chargement. "Mon plan était de sortir du jeu et de bien vivre. Je voulais continuer à faire de la course »

Indianapolis 1986. Lanier se qualifie en 13eme position de l’Indy 500 juste derrière Fittipladi. Sur la grille figure le gratin du sport automobile US dont Al Unser et Rick Mears. Il termine 10eme et "Rookie of the Year"
En terminant 10eme, il devance certains des meilleurs pilotes de l'époque, comme Emerson Fittipaldi et Mario Andretti. Nombre de ses concurrents étaient soutenus par des équipes d'usine dont Porsche, Jaguar et Ford. La voiture de Lanier arborait les logos d’Apache Powerboats et d'un petit restaurant. C'était comme si un joueur d'échecs inconnu avait mis en déroute les grands maîtres.

A ce moment-là, les Whittington étaient occupés à régler leurs problèmes juridiques et le piège commençait à se refermer sur Lanier….

La chaine de magasins de location de jet-ski de Lanier ne permettaient pas de justifier le train de vie pharaonique ni le budget colossale injecté dans la compétition. Officiellement, il n’y avait même pas de dépenses puisque tout était payé en cash, des tonnes de cash.

2 août 1986. Au Michigan 500. Lanier sort de la piste à haute vitesse suite à une crevaison. Il se casse le fémur droit.

Octobre 1986. Avec dix autres personnes, Lanier est inculpé de blanchiment d'argent et de trafic de drogue devant la cour fédérale de Miami, pour avoir introduit de la marijuana en Floride. On estime que l'organisation importait chaque année plus de 300 tonnes de marijuana de Colombie dans le cadre d'une opération sophistiquée impliquant des bateaux à moteur, des barges, des remorqueurs et des camions. L'argent provenant de cette opération était blanchi par le biais d'un réseau d'organisations fictives et de banques internationales. Lanier se rend aux autorités avant d’être libéré sous caution.

Janvier 1987. Les problèmes juridiques de Lanier s’aggravent lors d’une enquête menée dans l’Illinois. Il est accusé d'être un "baron de la drogue" qui a fait entrer clandestinement de la marijuana dans le pays. Un policier de l'Illinois est tombé sur un camion en panne sur le bord de la route qui contenait une petite quantité de marijuana. La piste menait directement à Lanier et à ses partenaires.

Le vent tourne un chaud matin d'hiver à Miami. Lanier commande un bagel chez un traiteur. Sa femme, Pam, une Floridienne pleine d'entrain avec une crinière de cheveux bruns bouclés, vient de donner naissance au deuxième enfant du couple dans un hôpital voisin, et il avait l'intention de venir les chercher. En attendant son petit-déjeuner, Lanier jette un coup d'œil à la télévision derrière le comptoir. Il y reconnait les hautes portes de sa résidence à Davie. Une équipe de journalistes était en train de faire un reportage en direct dans sa rue avec la police en arrière-plan. À la maternité, le téléphone de la chambre de Pam sonne. La baby-sitter l’informe que des agents de la DEA et du FBI sont à la maison avec un mandat d'arrêt contre son mari. Lanier se précipite vers une cabine téléphonique et appelle sa femme. "Je m'en vais", lui dit-il. "Je ne viens pas te chercher."

Confronté à la possibilité d'une lourde peine de prison, Lanier fuit le pays.
Lanier a disparu. Les agents fédéraux se sont vite jetés sur sa femme, son père et beaucoup de ses amis proches. Une meute vorace. Les agents vont déterrer deux millions de dollars enfouis dans la pelouse du père de Lanier et cachés dans des tuyaux en PVC. Ils ont trouvé 500 000 dollars dans le sous-sol. Ils remontent les lignes de comptes. Il y avait 17 maisons, des voitures, un centre commercial et même un casino en Californie. Lorsque toutes les pièces sont finalement réunies, le constat est saisissant, Lanier n'était pas seulement un pilote de course de talent, mais, selon les autorités, le cerveau d'une des plus grandes opérations de trafic de drogue de l'histoire américaine.
Après un séjour en Europe, sa fugue se terminera à Antigua.

1988. Contre des allègements de peines, les lieutenants ont libéré leur langue et divulgué l’organisation dans ses moindres détails. À l'issue d'un procès de trois mois, Lanier est reconnu coupable d'avoir monté une entreprise criminelle et d'avoir distribué plus de 300 tonnes de marijuana. Pour ces crimes, il est condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle. Cette lourde peine est le résultat d'une loi de 1984 appelée "Super Drug Kingpin", un vaste programme de lutte anti-drogue. La peine est destinée à dissuader d'autres personnes de suivre cette voie.

15 octobre 2014. Après avoir passé vingt-sept ans dans une prison fédérale et sans explication du gouvernement, Lanier est libéré .

Depuis sa libération, Randy Lanier a accordé plusieurs interviews dans lesquels il dévoile son histoire dans les moindres détails. Un véritable scénario de film.

 

Bibliographie

‘Smoked’ Interview en 7 épisodes du Miami Herald Tribune https://www.stitcher.com/show/smoked
https://marshallpruett.podbean.com/e/95-the-randy-lanier-documentary/
https://www.dinnerwithracers.com/ep-52-randy-lanier/
https://www.rollingstone.com/culture/culture-features/weed-racer-the-unlikely-rise-and-epic-fall-of-floridas-marijuana-smuggling-kingpin-204041/ Par Damon Tabor
https://tnmnews.com/cannabis-culture/taking-limit-beyond-randy-laniers-story/ Richard Lowe

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